Mécanismes

Page élaborée à partir des travaux du Dr Muriel Salmona sur les mécanismes psychologiques et neurobiologiques psychotraumatiques.
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Résumé

Animation présentée par le magazine de la santé de France 5 sur les mécanismes psychotraumatiques lors d'un viol

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Définition

Il s'agit de mécanismes psychologiques et neurobiologiques exceptionnels de sauvegarde exceptionnels qui se mettent en place lors du traumatisme.

Les traumatismes qui sont susceptibles d'être à l'origine de ces mécanismes psychotraumatismes sont ceux qui sont vont menacer l'intégrité physique (confrontation à sa propre mort ou à la mort d'autrui) ou l'intégrité psychique : situations terrorisantes par leur anormalité, leur caractère dégradant, inhumain, humiliant, injuste, incompréhensible (l'horreur de la situation va être à l'origine d'un état de stress dépassé représentant un risque vital).

Ces mécanismes psychotraumatiques sont mis en place par le cerveau pour échapper à un risque vital intrinsèque cardiovasculaire et neurologique induit par une réponse émotionnelle dépassée et non contrôlée. Cela se produit quand la situation stressante ne va pas pouvoir être intégrée corticalement, on parle alors d'une effraction psychique responsable d'une sidération psychique.

Le non-sens de la violence, son caractère impensable sont responsables de cette effraction psychique, ce non-sens envahit alors totalement l'espace psychique et bloque toutes les représentations mentales. La vie psychique s'arrête, le discours intérieur qui analyse en permanence tout ce qu'une personne est en train de vivre est interrompu, il n'y a plus d'accès à la parole et à la pensée, c'est le vide… il n'y a plus qu'un état de stress extrême qui ne pourra pas être calmé, ni modulé par des représentations mentales qui sont en panne.

Le stress extrême entraîne un risque vital pour l'organisme, et comme dans un circuit électrique en survoltage, le cortex va faire disjoncter le circuit émotionnel par l'intermédiaire de mécanismes neurobiologiques de sauvegarde exceptionnels qui vont être responsables d'une déconnexion du circuit de réponse au stress qui s'apparente donc à un court-circuit pour protéger les organes comme le cerveau, le cœur et les vaisseaux. Cette disjonction entraîne une mémoire traumatique et une dissociation avec anesthésie psychique et physique.

La disjonction du circuit émotionnel pour échapper au risque vital crée par le survoltage émotionnel ne se déclenche que si les représentations mentales face à la violence sont en échec et sont dans l'incapacité de moduler ou d'éteindre la réponse émotionnelle et d'empêcher ainsi un survoltage émotionnel.

Ces mécanismes psychotraumatiques sont à l'origine des conséquences les plus graves et les plus fréquentes des violences et d'un état de souffrance permanent. Si ces conséquences ne sont pas prises en charge elles risquent de transformer la vie des victimes en “un enfer”, en “un état de guerre permanente”, "sans espoir de s'en sortir".
Ce sont des conséquences normales de situations anormales.


Description de la réponse émotionnelle

La réponse émotionnelle est initiée et contrôlée par un groupe de structures cérébrales : LE SYSTÈME LIMBIQUE.

Ce système limbique joue donc un rôle essentiel dans les émotions mais aussi dans la mémoire. Il est formé de : la région septale, le fornix, les hippocampes, les amygdales cérébrales, les zones corticales suivantes : le cortex pré-frontal, cingulaire, parahippocampique.
La structure principale qui contrôle l'expression des réponses émotionnelles (réponse de défense de l'organisme, changements physiologiques, réactions comportementales) est l'AMYGDALE, petite structure cérébrale sous-corticale, elle est aussi le siège de la mémoire émotionnelle dite implicite (c'est à dire non consciente).

système limbique 1

RÉPONSE ÉMOTIONNELLE HABITUELLE LORS D'UN DANGER

Lors d'un danger soudain, par exemple lors d'un trajet en voiture, un cerf qui traverse la route, le danger que représente le stimulus visuel, un cerf sur la route, va comme tout stimulus sensoriel atteindre le thalamus sensoriel qui est la porte d'entrée sensorielle du cerveau et un centre de relais (toutes les fibres nerveuses sensitives ascendantes font synapse dans le thalamus).
Du thalamus les informations sensorielles vont être prises en charge par deux voies : une voie courte, rapide, simple, sous-corticale thalamo-amygdalienne ; une voie longue, plus lente, complexe, haute corticale thalamo-cortico-amygdalienne.

  • la voie courte thalamo-amygdalienne : va directement activer l'amygdale qui reconnaît la situation de danger, l'amygdale « s'allume » et va permettre de réagir (réponse émotionnelle) avant même que le danger soit perçu par le cortex sensoriel et reconnu par le cortex associatif. Dans notre exemple, la réaction immédiate accompagné d'un état de stress élevé peut être un coup de volant pour éviter l'obstacle qui sera donné avant même d'avoir réfléchi à la situation (réponse comportementale).
  • la voie plus longue thalamo-cortico-amygdalienne : dans un deuxième temps les informations sensorielles arrivent à l'amygdale par la voie corticale qui passe par le cortex sensoriel et sensitif puis par le cortex associatif limbique et par l'hippocampe. Cette voie va permettre une analyse de la situation :
    1. en traitant les informations sensorielles, en les intégrant et en les transformant en représentations et en concepts grâce au cortex associatif(siège de la mémoire de travail, avec son contenu de pensées immédiates).
    2. et en comparant la situation à “une banque de données » de souvenirs issus d'expériences affectives et d'apprentissages grâce à l'hippocampe ( petite structure cérébrale, siège de la mémoire déclarative, explicite, partie consciente de la mémoire et de l'analyse du contexte et de l'espace).

Cette voie va permettre d'affiner, de moduler et d'atténuer l'activation de l'amygdale et des réponses émotionnelles : dans l'exemple donné cette voie va permettre de reprendre le contrôle du véhicule, d'éviter certaines manœuvres dangereuses en se rappelant des cours de conduite, d'allumer ses feux de détresse etc.

système limbique 2

La réponse émotionnelle déclenchée par l'amygdale pour faire face au danger se décompose en 4 réponses:

  1. Réponse comportementale par action sur la substance grise péri-aqueducale : comportement de sursaut, d'évitement, de fuite ou au contraire d'immobilisation.
  2. Réponse végétative immédiate par action sur la formation réticulée du tronc cérébral, qui active le système nerveux autonome sympathique avec libération par les médullo-surrénales de noradrénaline et d'adrénaline. L'adrénaline va augmenter la fréquence et la force contractile du coeur, augmenter la pression artérielle, entraîner une vasoconstriction des vaisseaux, augmenter la fréquence respiratoire et donc augmenter l'apport d'oxygène aux niveaux des organes, et faire également libérer du glucose par glycogénolyse.
  3. Réponse endocrinienne dans un deuxième temps, par action sur l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien qui par sécrétion de CRH (cortico-releasing-factor) et d'ACTH (adrénocorticotrophin-hormone) aboutit à la sécrétion de cortisol par les cortico-surrénales, ce qui permet de continuer à libérer du glucose par stimulation de la néoglucogénèse hépatique.
  4. Réponse motivationnelle par action sur le striatum et le nucleus accumbens qui active le circuit récompense/renforcement par libération de dopamine.

Au total la situation stressante a généré une réponse émotionnelle (entraînant un stress physiologique et un stress psychologique) avec une première réaction comportementale et une préparation de l'organisme à une éventuelle réponse psycho-motrice après analyse corticale de la situation (avec l'aide de l'hippocampe). L'analyse cortico-hippocampique et la réponse psycho-motrice permettent de moduler la réponse amygdalienne, voire de l'éteindre quand la situation stressante est résolue avec un retour au calme. La mémoire émotionnelle de l'événement est intégrée par l'hippocampe, transformée en mémoire explicite autobiographique et en expérience, elle peut créer de nouveaux apprentissages.

RÉPONSE ÉMOTIONNELLE DANS LES CAS DE TRAUMATISMES

Lors de traumatismes de type I (unique) ou II (répétés et s'inscrivant dans la durée) avec effraction psychique, leur caractère terrorisant, totalement imprévu, inconcevable, incompréhensible, fait s'effondrer toutes les certitudes acquises et confronte à sa propre mort, sans échappatoire possible, avec une impuissance totale (plus particulièrement quand les traumatismes se produisent là où l'on aurait dû se sentir en sécurité, comme dans l'univers familial, et plus particulièrement en cas d' agressions sexuelles et lorsque le traumatisme se répète sur une longue durée sans aucune possibilité d'y échapper)

Dans ces cas, du fait de la sidération psychique, la modulation, l'atténuation de l'amygdale ne peut avoir lieu comme habituellement (en faisant intervenir les représentation du cortex associatif, la mobilisation par l'hippocampe de souvenirs permettant de comprendre ce qui se passe, de comparer, de trouver des solutions dans les apprentissage déjà acquis, de comprendre le contexte). Il ne peut se produire aucune extinction de l'amygdale par l'arrêt du danger, ou par la maîtrise de ce danger, ou encore par la fuite pour y échapper. L'amygdale reste activée, la réponse émotionnelle reste maximale. Il en résulte que :

  • l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS) continue d'être stimulé avec une production de cortisol importante.
  • le système nerveux autonome (SNA) sympathique reste stimulé avec une production d'adrénaline importante.
  • le fait de ne pas pouvoir utiliser le sur-régime généré par les actions sur l'organisme du cortisol et de l'adrénaline entraîne un état de stress extrême, de survoltage (tachycardie, sueurs, tremblements, dyspnée, vertiges, angoisse +++). Les taux élevés d'adrénaline et de cortisol deviennent toxiques : toxicité cardiaque et vasculaire pour l'adrénaline (possibilité d'infarctus du myocarde de stress, d'HTA maligne), neuro-toxicité et risque lié à l'hyperglycémie pour le cortisol (atteinte des cellules nerveuses avec risque de mort neuronale par apoptose, particulièrement au niveau de l'hippocampe qui peut diminuer de volume, et production ++ de glutamate, neuromédiateur excitotoxique, possible atteinte de l'immunité).

Il y a donc un RISQUE VITAL POUR L'ORGANISME. Ce risque vital lié au SURVOLTAGE de l'amygdale va entraîner la mise en place d'une voie de secours exceptionnelle : tout se passe comme dans un circuit électrique, un survoltage risque d'endommager gravement les appareils du circuit, pour les protéger, le circuit disjoncte, les appareils sont déconnectés et donc PROTÉGÉS mais ils arrêtent de fonctionner. C'est ce qui se passe pour le circuit limbique du stress qui va "disjoncter". Cette disjonction va avoir lieu grâce à la production de neuro-médiateurs, entre autres. Ce sont notamment des endorphines (morphines endogènes sécrétées par l'hypophyse et la substance grise péri-aqueducale), et des antagonistes des récepteurs NMDA (N-Méthyl-D-Aspartate) du système glutamatergique (avec un effet kétamine-like).

Le circuit DISJONCTE et DÉCONNECTE l'amygdale qui "s'éteint". L'amygdale est donc "éteinte" et, malgré le traumatisme qui se poursuit, l'état de stress s'apaise, le système nerveux sympathique et l'axe HHS ne sont plus stimulés, il n'y a plus de souffrance psychique ; les endorphines provoquent une analgésie, il n'y a plus de souffrance physique !

L'amygdale est déconnectée du cortex associatif qui ne va plus recevoir d'information émotionnelle. Les stimuli traumatiques vont continuer d'arriver via le thalamus au cortex sensoriel, ils vont être traités par le cortex associatif mais sans connotation émotionnelle, sans souffrance psychologique, sans souffrance physique, ce qui va donner une impression d'étrangeté, d'irréalité, d'être spectateur de ce qui nous arrive, de voir un film, de confusion, de dépersonnalisation : c'est la dissociation.

L'amygdale est également déconnectée de l'hippocampe qui ne va plus recevoir le contenu de la mémoire implicite émotionnelle. Cette dernière ne pourra pas, soit totalement, soit partiellement, être transformée en mémoire déclarative autobiographique et affective, d'où des troubles de la mémoire pouvant aller jusqu'à une amnésie traumatique totale. La mémoire émotionnelle piégée devient l'origine d'un circuit de peur conditionnée permanent dont l'extinction ne peut pas se faire, le cortex associatif et l'hippocampe ne pouvant jouer leurs rôles modulateurs. Cette déconnexion de l'amygdale est à l'origine d'une mémoire traumatique.

La déconnexion de l'amygdale entraîne un arrêt du risque vital et une analgésie émotionnelle et physique au prix de symptômes dissociatifs importants et de troubles de la mémoire.


Un circuit de peur conditionnée - conduites d'évitement

La mémoire traumatique des violences, implicite, inconsciente, émotionnelle, est piégée dans les amygdales, elle va être à l'origine d'un circuit de peur conditionnée, véritable "bombe à retardement" prête à exploser à l'occasion de tout stimulus sensoriel, cénesthésique, algique, contextuel en lien avec les traumatismes subis et qui va "allumer" à chaque fois une amygdale hypersensible, puisque le cortex et l'hippocampe ne peuvent rien moduler (pas d'information ni de souvenir précis disponible).
L'amygdale va alors transmettre des informations "fantômes" au cortex, des réminiscences (flash-back, images), qui peuvent donner l'impression de revivre les violences, mais aussi des sensations, des pensées, des émotions, toujours liées aux violences mais sans repères de temps ni d'espace, et donc incompréhensibles. En même temps l'amygdale va activer les réponses émotionnelles du stress (axes HHS et SNA) avec pour résultat une grande souffrance psychique et une sensation de danger imminent, déclenchant à nouveau la même détresse, les mêmes terreurs que lors des violences : angoisses, détresse, attaques de panique. La vie devient un terrain miné, avec un sentiment d'insécurité permanent.
Pour échapper à ces réminiscences terribles et à cette souffrance, la victime traumatisée qui n'est pas prise en charge ni protégée va mettre en place des stratégies de survie et d'auto-traitement qui comporteront des conduites de contrôle et d'évitement :
- des conduites de contrôle accompagnées d'une d'hypervigilance avec une sensation de danger permanent, de méfiance et d'état d'alerte, d'importants troubles du sommeil, une tension musculaire douloureuse, des troubles de la concentration et de l'attention (le psychisme est focalisé essentiellement sur des activités de surveillance et d'anticipation).
- des conduites d'évitement destinées à éviter l'allumage de l'amygdale et le déclenchement de la mémoire traumatique, en évitant tout ce qui est susceptible de rappeler les violences (situations, pensées, sensations…). Ces conduites d'évitement sont à l'origine d'un retrait social et affectif, de phobies, d'obsessions, d'une peur de tout changement, d'intolérance au stress, de troubles du sommeil et de troubles cognitifs.

Et quand malgré les conduites de contrôles et d'évitement la mémoire traumatique se déclenche et envahit le psychisme de la victime elle entraîne la même sidération, la même détresse, le même état de stress dépassé, le même risque vital que lors du traumatisme initial. Souvent la disjonction spontanée ne peut plus se produire en raison de phénomènes de tolérance et d'accoutumance aux drogues du cerveau, et un auto-traitement se met alors en place pour obtenir une disjonction provoquée, il s'agit de conduites dissociantes. Il peut s'agir de déconnexion "douce" sans mise en danger avec des techniques d'auto-hypnose par exemple, ou bien de conduites dissociantes "dures" à risque.


Conduites dissociantes à risque

Quand les conduites d'évitement sont mises en échec malgré tout, l'amygdale s'allume, la mémoire traumatique se déclenche avec sa souffrance et sa détresse extrême. Dans ce cas, souvent, seules des conduites dissociantes, conduites d'auto-traitement dont on a fait le plus souvent par hasard l'expérience de leur efficacité, peuvent calmer la détresse. Il s'agit de redéclencher la disjonction initiale pour obtenir un état d'anesthésie affective et physique et une dissociation.

Pour provoquer le déclenchement d'une disjonction afin d'obtenir une anesthésie émotionnelle et physique il existe plusieurs solutions possibles :

  • soit le niveau de stress est tellement élevé qu'il provoque un court-circuitage et une disjonction spontanée entraînant une dissociation et une anesthésie émotionnelle et physique.
  • soit la disjonction spontanée ne se fait pas en raison de phénomènes de tolérance et d'accoutumance aux drogues du cerveau, et un auto-traitement se met alors en place pour obtenir une disjonction provoquée. Pour l'obtenir il existe plusieurs possibilités : soit recourir à une aggravation du stress par des conduites dangereuses, à risque (ex. automutilations), des amphétamines, des violences agies ou subies (dissociation provoquée + analgésie), soit recourir à la prise directe de drogues dissociantes, alcool, psychotropes à hautes doses (dissociation provoquée + analgésie).

La disjonction provoquée s'obtient donc :

  • soit par augmentation de la sécrétion des drogues dissociantes endogènes (les neuro-transmetteurs morphine-like et kétamine-like) par le cerveau en augmentant le niveau de stress ou de douleur par des conduites à risque, des mises en danger, des violences agies ou subies.
  • soit par adjonction de drogues dissociantes externes : alcool, drogues. Les psychotraumatismes sont à l'origine de consommation d'alcool chez 52 % des hommes et 28 % des femmes et de consommation d'autres substances psychoactives chez 35 % des hommes et 27 % des femmes.

Il s'agit de recréer l'état de dissociation et d'anesthésie vécu lors du traumatisme, solution transitoire efficace mais qui à moyen terme va s'avérer catastrophique (car ces solutions renforcent la mémoire traumatique amygdalienne et font perdurer et augmenter tous les symptômes liés à la déconnexion : troubles de la mémoire, mémoire traumatique, troubles de la personnalité, vulnérabilité au stress, image de soi très négative....).

Il existe donc deux manières de recréer cet état de dissociation :

  • par le survoltage : il faut augmenter le niveau de stress, soit par des conduites dangereuses qui reproduisent le traumatisme initial, soit par des conduites auto-agressives (se faire mal, automutilations, se mettre en danger), soit par des conduites hétéro-agressives (système agresseur)‏.
  • par un effet “déconnexion-like”, en utilisant des drogues à effet dissociant, alcool, cannabis et hallucinogènes (effet antagonistes de la NMDA), héroïne (effet sur les récepteurs opiacés endogènes) ou psychostimulants (effet de stress extrême par augmentation des catécholamines, l'anorexie produit le même effet).

Ces troubles psychotraumatiques sont à l'origine d'une dissociation entraînant une anesthésie émotionnelle accompagnée de troubles de la conscience (sentiment d'irréalité, d'être spectateur de la scène violente, de dépersonnalisation, absences)‏, d'une mémoire traumatique, véritable bombe à retardement, avec des réminiscences intrusives faisant revivre sans fin les violences avec la même souffrance et la même détresse, d'une hypervigilance, de **conduites de contrôle et d'évitements et de conduites à risques, qui sont des stratégies efficaces mais très handicapantes pour échapper à la mémoire traumatique.
Ils sont aussi à l'origine de troubles cognitifs, de troubles du comportement, de l'alimentation, du sommeil et de la personnalité. Ce sont des conséquences normales et spécifiques de violences traumatiques. Ils entraînent une souffrance psychique très importante.

Ces mécanismes et leurs conséquences expliquent les symptômes psychotraumatiques et les troubles du comportement des victimes, qui paraissent souvent totalement incompréhensibles à l'entourage, aux professionnels qui les prennent en charge et aux victimes elles-mêmes. Ces symptômes peuvent être résumés ainsi :

  • mises en danger, minimisation et banalisation de certaines violences sexuelles (du fait de l'analgésie), incapacité de dénoncer durablement les agresseurs (père, conjoint) vis à vis desquels les victimes développent une dépendance. Paradoxalement elles peuvent dans un premier temps se sentir mieux (en fait plus dissociées) avec leur agresseur que mises à l'abri (ce qui les expose au réminiscences), renonçant donc à les quitter.
  • réminiscences (qui peuvent se présenter comme des hallucinations), phénomènes de dissociation (avec le sentiment d'être étranger à soi-même), conduites d'évitement (qui peuvent devenir totalement envahissantes), tentatives "d'autotraitement" que représentent les conduites dissociantes : conduites addictives, conduites à risque et conduites auto-agressives (incompréhensibles et culpabilisantes) donnent à la victime le sentiment d'être folle, nulle, incapable, imbécile, perverse… sentiment savamment entretenu par l'agresseur…

Il est indispensable de rassurer les victimes, de leur redonner une dignité en leur expliquant les mécanismes des psychotraumatismes et en leur expliquant que ce sont des réactions normales aux situations anormales que sont les violences.


Auteur

Dr Muriel Salmona

Pour en savoir plus, cf l'article de Muriel Salmona avec bibliographie dans, La mémoire traumatique in L'aide-mémoire en Psychotraumatologie, Paris, Dunod, 2008.

Voir les conséquences

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