Prise en charge

Généralités

Les violences en général et les violences sexuelles en particulier ont de très graves conséquences et sont une atteinte à l'intégrité physique et psychique des victimes. Si les victimes ne sont pas soignées, leur vie est fracassée. La prise en charge est essentielle, elle consiste à ne jamais abandonner une victime et à :

  1. faire cesser les violences, mettre à l'abri et en sécurité, faire appel à la loi.
  2. donner des soins immédiats : orienter vers un médecin traitant ou un service d'urgence pour que la victime reçoive les soins médicaux nécessaires,
  3. mettre en place un accompagnement médical, social, associatif et juridique qui est essentiel. Il est nécessaire que tous les acteurs de la prise en charge travaillent en réseau : médecins psychotraumatologues et victimologues, médecins généralistes, médecins spécialistes, assistantes sociales, professionnels de l'éducation nationale, les travailleurs sociaux, l'ASE, les missions locales, la justice, la PJ et les associations de juristes. Il est nécessaire que chaque acteur de la prise en charge :
    • connaisse les numéros d'urgence, les permanences téléphoniques nationales et locales, les associations utiles(cf. RESSOURCES ), le rôle de la police, de la gendarmerie et de la justice, des UMJ (unités médico-judiciaires), ait une connaissance minimale du droit pénal, civil et du droit du travail (lois, parcours judiciaire).
    • ait une connaissance des aides sociales possibles et des structures dédiées, du droit de la sécurité sociale (ALD, affection de longue durée ouvrant droit à une prise en charge à 100% pour tous les soins donnés pour cette affection : les psychotraumatismes entrent dans le cadre de troubles graves de la personnalité faisant partie de la liste des ALD, article L. 322-315 du code de la sécurité sociale stipule des soins gratuits pour les victimes d'agressions sexuelles sur mineurs)‏, des possibilité d'aides en cas de handicap lié à la santé (médecine scolaire, unité psycho-pédagogique ; aménagement de la scolarité dans le cadre d'un PAI, Projet d'Accueil Individualisé, qui a pour objet de favoriser la scolarisation des enfants malades ; tiers-temps qui permet aux élèves et aux étudiants handicapés par des problèmes de santé de bénéficier lors des examens et des concours de 33 % de temps supplémentaire ; CNED,centre national d'enseignement à distance ; DAEU, diplôme d'accès aux études universitaires qui permet d'avoir un équivalent du BAC, détails sur http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid21053/le-d.a.e.u.html ; MDPH, maisons départementales des personnes handicapées permettant d'avoir droit à une allocation liée au handicap, au statut de travailleur handicapé, détails sur http://www.travail-solidarite.gouv.fr/espaces,770/handicap,775/informations-pratiques,1328/la-liste-des-maisons,1229/les-mdph-en-france,11451.html), de la réinsertion professionnelle (missions locales) et de la réinsertion sociale.
  4. donner des informations précises à la victime sur ses droits, sur les aides qu'elle peut recevoir, et lui expliquer les conséquences judiciaires des violences qu'elle a subi et les conséquences sur sa santé. Les plaquettes AGIR sont des plaquettes d'information à destination des femmes victimes de violences et de leur entourage, y compris les professionnels, elles rappellent l'ensemble des démarches et réflexes à avoir, ainsi que les contacts référencés par département. Plusieurs types de plaquette existent par département :"Agir face aux violences conjugales", "Agir face au viol et autres agressions sexuelles", "Agir face aux violences sexistes et sexuelles au travail", "Agir face aux mutilations sexuelles féminines". Ces plaquettes, ainsi que d'autres documents utiles, peuvent être obtenues auprès de la Délégation Régionale aux Droits des Femmes et à l'Egalité d'Ile-de-France, ou prochainement à télécharger sur http://www.idf.pref.gouv.fr/dema/femmes_actions.htm. On peut télécharger également la plaquette d'information médicale Si vous avez subi ou si vous subissez des violences ici. Il est essentiel d'expliquer les mécanismes psychologiques et neurobiologiques des psychotraumatiques pour que les victimes comprennent ce qui leur arrivent, puissent se déculpabiliser, et avoir une boîte à outils pour mieux se comprendre, mieux se protéger et mieux se soigner.
  5. orienter vers des centres de soins spécialisés avec des médecins formés à la psychotraumatologie (cf page ressources)

Rôle des médecins traitants et des services d’urgence

A - Consultation en urgence

  1. Elle doit avoir lieu dans les 48 à 72 heures
    • faite par le médecin traitant, le médecin spécialiste, le médecin hospitalier des UMJ (Unités médico-judiciaires), entretien à faire dans de bonnes conditions avec beaucoup de tact, de précautions et de bienveillance, en expliquant à l'avance tous les examens qui seront nécessaires**(pour les enfants, démonstration sur une poupée).
    • noter les faits, les doléances (conseiller à la victime de les écrire +++), reprendre les termes et expressions exacts de la victime.
    • examen de tout le corps à la recherche de plaies, contusions, érosions, brulures, ecchimoses, hématomes, fractures ; faire les examens complémentaires biologiques et radiologiques nécessaires.
  2. En cas d'agression sexuelle
    • examen détaillé des organes génitaux, du périnée, de l'anus, de la bouche (la victime ne doit pas se laver, lui dire de garder toutes les pièces à conviction, linge, vêtements, objets souillés) à faire avec précaution, en expliquant ++, en prenant le temps ; avec les enfants être accompagné, recherche de plaies, irritations, hématomes, contusions, déchirures, prélèvements ++, schémas, photos si possible.
    • prélèvement vaginaux, vulvaires, anaux et buccaux à la recherche de spermatozoïdes et recherche génétique.
    • test de grossesse, dépistage MST et HIV, hépatite B et C etc. (bilan sérologique VIH 1 et 2, VDRL, TPHA, HTLV, hépatite B : Ag Hbs, Ac anti-HBc, Ac anti Hbs, hépatite C, Chlamydia, Herpès)
    • recherche de toxiques : alcool, drogues, psychotropes
    • prophylaxie d'une éventuelle grossesse, contraception d'urgence , prophylaxie du tétanos, vaccination hépatite B, prescription de traitements contre les MST, prophylaxie Chlamidia et syphilis ; pour le SIDA, en cas de risque de contage trithérapie avant 48 h.
    • autres examens complémentaires (biologiques, radios, scanner, IRM…)
  3. Dans tous les cas
    • traitement des traumatismes physiques, désinfection des plaies, antalgiques, traitement d'une intoxication, des troubles psychotraumatiques, hospitalisation si nécessaire
    • recherche d'état de stress aigu, de détresse, d'état de choc, d'état confusionnel, de dissociation péri-traumatique, agitation, troubles psychotiques aigus, idées suicidaires
    • établir un certificat médico-légal de constatation de violences qui aura valeur de document pour une procédure judiciaire, le code de déontologie le rend obligatoire et un certificat d'ITT (incapacité totale de travail).
    • délivrer un arrêt de travail si nécessaire.
    • donner des informations ++, des adresses, et orienter.

B - Consultation à distance

  1. Faite par le médecin traitant ou le médecin spécialiste dans le cadre d'une consultation
    • ++ bienveillance, attention, en prenant le temps, en respectant les réactions de la victime.
    • rechercher des séquelles physiques des violences, recherche MST, HIV, test de grossesse, transaminases
    • penser à dépister des troubles psychotraumatiques : ESPT (état de stress post traumatique), ESPT complexe, troubles de l'humeur, troubles anxieux généralisés, addictions, troubles des conduites alimentaires et sexuelles, troubles du comportement, troubles de la personnalité
    • donner toutes les informations nécessaires
    • mettre en place une prise en charge en réseau à la fois médicale (suivi spécialisé, psychothérapie, demande d'ALD si nécessaire), sociale, judiciaire
    • établir un certificat médico-légal de constatation de violences si nécessaire pour une démarche judiciaire, noter l’ITT si cela n'avait pas été fait.
  2. À chaque consultation
    • il est très important d'évaluer le risque couru par la victime et ses enfants du fait de la gravité des violences : ++ Y-a-t-il des armes à la maison ? La victime a-t-elle eu peur pour sa vie ? Y-a-t-il eu des menaces de mort ? Menaces avec une arme ?
    • il est très important d'évaluer le risque couru par la victime du fait des troubles psychotraumatiques : pour sa vie : tentatives de suicide (armes ? toxiques ? +++ en parler) et conduites à risques (accidents, addictions), pour sa santé, pour sa vie sociale et professionnelle
    • il faut mettre hors de danger : signalement administratif ou judiciaire, assistance à personne en danger, mise à l'abri (centre d'hébergement, hospitalisation, OPP) ; évaluer l'intensité des conséquences médicales, obstétricales, psychotraumatiques (consultation en urgence, hospitalisation) ; s'assurer de la capacité de la victime à s'occuper de ses enfants et à donner éventuellement des soins à un nouveau-né ou un nourrisson, pour mettre en place des aides si nécessaire. Les professionnels de la santé sont soumis au code pénal pour la non-assistance à personne en danger, et en ce qui concerne la dénonciation de crimes le secret professionnel est levé.
    • il faut mettre en place avec la victime des stratégies défensives et de sauvegarde en cas de crise et de danger : il faut anticiper les situations de danger, comment fuir ?, comment alerter les secours ?, où aller se réfugier ?, qui prévenir ? : police, voisins, famille, amis, professionnels ; la victime doit avoir des numéros d'urgence préenregistrés 17 ; 119 ; 39 19. Il est important de faire un bilan des ressources personnelles de la victime et de tout ce qu'elle a déjà utilisé comme aides, comme secours, comme stratégies ; il faut valoriser ce qui a déjà été fait et savoir dans certaines situations dramatiques accepter le fait que tout a été fait…et que la seule chose que vous pouvez faire est d'apporter une écoute et un soutien indéfectible (ce qui est déjà énorme !!)
    • savoir reconnaître les troubles psychotraumatiques pour orienter la victime vers une prise en charge spécialisée, même si la victime n'est pas prête à consulter un psychiatre ou un psychologue, il faut lui donner des adresses et lui dire que ses symptômes peuvent être traités efficacement, elle pourra faire la démarche ultérieurement…
    • mettre en place une aide sociale, associative et judiciaire : assistante sociale, annuaire d'associations d'aide aux victimes : INAVEM, CFCV, CIDF, AVFT...., importance du travail en réseau
    • quand il s’agit de violences au travail : médecin du travail, inspecteur du travail, syndicats, CHSCT (Comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail), arrêt de travail, droit de retrait, changement de service.
  3. Il s’agit d’une prise en charge au long cours
    • il faut assurer la continuité des soins : aider à prendre des rendez-vous, à passer des appels téléphoniques, soutenir lors des démarches administratives et judiciaires.
    • il faut aider la victime à comprendre ce qui lui arrive, à se reconnaître comme victime, à comprendre qu'il est normal d'avoir des symptômes, l'aider à retrouver sa dignité, à se déculpabiliser, à ne plus avoir honte et à pouvoir mieux lutter contre des conduites et des comportements dangereux.
    • il faut l’aider à démonter le système agresseur pour mieux se défendre, à dénoncer les violences, à ne plus être manipulée, à être lucide, à pouvoir anticiper les agressions et à ne plus être sous emprise.

Pour le professionnel qui s’engage dans ce suivi, il est essentiel de ne pas travailler seul, de se constituer un réseau de professionnels, d'échanger en cas de situations très difficiles, de se faire aider.

C - Le certificat médical de constatation de violences

  1. Principes
    • Le médecin ne peut refuser de l'établir, il s’agit d’une obligation civile et déontologique (articles 9 et 44 du code de déontologie médicale ; il peut-être réquisitionné pour faire un certificat initial de coups et blessures par la police ou le procureur. Même si la victime ne veut pas porter plainte il est utile de faire un certificat que l'on gardera dans le dossier et qui pourra être utilisé ultérieurement.
    • Le certificat est un document médico-légal dont vont dépendre les éventuelles poursuites judiciaires (mais le juge reste souverain dans sa décision), il n'est pas indispensable pour porter plainte et il peut être fait à tout moment. Dans tous les cas, les violences commises par un conjoint ou ex-conjoint, concubin ou ex-concubin, partenaire ou ex-partenaire, sont un délit quelle que soit l'ITT pénale (incapacité totale de travail), supérieure ou inférieure à 8 jours. Cependant le certificat va permettre au parquet de faire une classification juridique (qualification) de gravité et d'urgence.
    • Le certificat médical n'est pas un témoignage, il ne doit affirmer que des choses certaines, ne pas porter d'accusation (rapporter les « dires » des victimes), ne pas s'immiscer dans les affaires de famille, ne rapporter que les faits de violences et leurs conséquences.
    • Le médecin n'est pas habilité à qualifier juridiquement la nature des violences dans un certificat de constatation de violences : ne pas parler de « harcèlement moral », ni de « harcèlement sexuel », ne pas dire que c’est un viol mais dire que la victime déclare avoir subi un viol, ou une pénétration sous la menace, la contrainte ou par surprise, décrire les faits rapportés, ce n'est pas au médecin de juger la réalité des faits.
  2. Rédaction du certificat
    Il faut après avoir écouté, interrogé et examiné la victime :
    • noter l'identité de la victime, la date et le lieu de l'établissement du certificat
    • rapporter selon les dires de la victime (en utilisant soit le conditionnel, soit les guillemets pour noter les termes exacts utilisés « la victime rapporte : ....») : les faits commémoratifs (date, lieu, circonstances, types de violences, auteurs); les doléances ; les antécédents personnels et médicaux, uniquement ceux utiles par rapports aux faits, notamment ceux qui peuvent aggraver le préjudice subi
    • faire la description précise et détaillée des lésions physiques(avec schémas ou photos) avec les types de lésions, leurs tailles, leurs aspects, leurs localisations +++, les examens complémentaires
    • faire la description précise et détaillée du retentissement psychologique +++ : échelles d'évaluation, éléments cliniques négatifs si nécessaire (absence d’éléments délirants, d’état confusionnel etc.) éléments de pronostic (ex : dissociation péri-traumatique),
    • préciser les lésions et/ou les troubles que l'on avait déjà constatés en consultation
    • noter la compatibilité des lésions et des troubles avec les faits rapportés +++
    • déterminer l'ITT pénale, et si besoin émettre des réserves sur d'éventuelles complications ultérieures, noter la durée de l'arrêt de travail donné ainsi que le traitement nécessaire, avec sa durée prévisible
    • dater et signer avec la mention « certificat fait à la demande de l'intéressé(e) et remis en main propre pour faire valoir ce que de droit », sauf pour les mineurs et les incapables majeurs, on note alors que le certificat a été remis à la personne ayant autorité (parents ou tuteur) et quand il s'agit d'une réquisition, le certificat est alors remis à la police ou au procureur.
  3. Évaluation de l’ITT
    • L’ITT (Incapacité totale de travail) PÉNALE pour coups et blessures sert à qualifier pénalement les faits. Elle est à ne pas confondre avec l'ITT (Incapacité temporaire totale) CIVILE qui sert à indemniser les pertes de revenus pour une victime.
    • En cas d’ITT pénale inférieure à 8 jours les violences sont qualifiées de contravention et sont jugées par le tribunal de police.
    • En cas d’ITT pénale supérieure à 8 jours les violences sont qualifiées de délit et sont jugées par le tribunal correctionnel.
    • Les violences familiales et conjugales sont des délits quelle que soit la durée de l'ITT, et le caractère familial et conjugal est une circonstance aggravante (c'est valable pour les ex-conjoints, les concubins, pacsés, partenaires et les ex-concubins, ex-pacsés, ex-partenaires). Dans ce cas, pour une ITT pénale inférieure à 8 jours, la peine peut aller jusqu’à 3 ans de prison et 45000 euros d'amende ; pour une ITT pénale supérieure à 8 jours, la peine peut aller jusqu'à 5 ans de prison et 75000 euros d'amende.
    • Le viol est un toujours un crime jugé en cour d’assises. Ses circonstances aggravantes sont nombreuses et précisées dans LA LOI.

L'ITT pénale n'est pas forcément superposable à l'arrêt de travail. L'ITT n'est pas définie précisément, uniquement par jurisprudence, son évaluation est difficile : « durée pendant laquelle une victime éprouve une gêne notable dans les actes de la vie courante (manger, dormir, se laver, s'habiller, faire ses courses, se déplacer, se rendre au travail) » ; un nourrisson, un retraité peuvent avoir une ITT. L'OMS met dans les actes de la vie courante : la locomotion, les soins personnels, la communication, la vie relationnelle (présentation, relations affectives, rôle familial, rapports amicaux, relations sexuelles) , la profession, la scolarité, la planification des activités privées et professionnelles, la gestion des affaires privées et professionnelles, les occupations ménagères, les loisirs et la vie sociale, l'environnement, le fait d’assurer ses soins médicaux.
L'ITT tient compte du retentissement physique et psychologique des violences. L'ITT peut être majorée par un état antérieur, jamais minorée.

D - le signalement

  1. Obligation du signalement
    Signaler ou faire cesser la situation de danger est une obligation légale. Ne pas signaler rentre dans le cadre de la non assistance à personne en danger(article 223-6 du nouveau code pénal) ou de la non dénonciation de crime(article 434-1 du nouveau code pénal,).
    Pour les professionnels soumis au secret professionnel l'article 226-14 du nouveau code pénal rend inapplicable l'article 226-13 sur le secret professionnel dans le cas ou la loi impose sa révélation « pour celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de sévices ou privation dont il a eu connaissance et qui ont été infligés à un mineur »
    La loi du 5 mars 2007 aménage le secret professionnel pour permettre aux professionnels d'échanger entre eux les informations nécessaires à l'évaluation d'une situation, et à la mise en œuvre des actions de protection : par exception à l'article 226-13 du nouveau code pénal, les personnes soumises au secret professionnel qui mettent en oeuvre la politique de protection de l'enfance ou qui lui apportent leur concours sont autorisées à partager entre elles des informations à caractère secret « afin d'évaluer une situation individuelle, de déterminer et de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs et leur famille peuvent bénéficier. Le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance. Le père, la mère, tout autre personne exerçant l'autorité parentale, le tuteur, l'enfant en fonction de son âge et de sa maturité sont préalablement informés, selon des modalités adaptés, sauf si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant »
  2. Comment faire un signalement :
    modèle de l'Ordre des médecins à télécharger
    • Pour les enfant en danger avéré et très grave avec nécessité de protection judiciaire immédiate, le signalement est à faire auprès du procureur de la république, qui peut être saisi directement au Parquet des mineurs du TGI (Tribunal de Grande Instance) du département 24h/24 (il existe une permanence téléphonique)
    • Pour les enfants en danger ou en risque de danger, appeler
      a) le 119 numéro vert Enfance en Danger ou bien
      b) la Cellule centralisée départementale de recueil de traitement et d'évaluation des informations préoccupantes : la CRIP, cf RESSOURCES. Une information préoccupante est tout élément d'information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu'un enfant ou une personne de moins de 18 ans se trouve en situation de danger ou de risque de danger et puisse avoir besoin d'aide ; une telle information doit faire l'objet d'une transmission à la cellule départementale pour évaluer et donner suite. La CRIP, qui est une équipe pluri-professionnelle, est une interface qui évalue la situation et renvoie des propositions d'actions et d'aide aux services compétents : signalement aux autorités judiciaires, transmission à l'Inspecteur de l'Enfance, transmission aux services départementaux locaux (sociaux, ASE, PMI).

Rôle des psychiatres et psychothérapeutes spécialisés

A - Principes du traitement

Le traitement est essentiellement psychothérapique, mais il s'agit en urgence de mettre en sécurité, éviter le risque suicidaire, éviter de nouvelles violences, soigner médicalement la souffrance psychique et les symptômes anxio-dépressifs, éviter l'«allumage» de la mémoire traumatique et la souffrance qu'elle entraîne, identifier et prendre en charge les conduites à risques dissociantes.

Pour évaluer le risque suicidaire, il faut en parler, poser des questions précises sur les idées suicidaires,demander s’il y a des scénarios déjà prévus et lesquels, évaluer la présence de personnes de confiance et sécurisantes, la qualité de l'entourage, hospitaliser si nécessaire, faire un signalement si nécessaire pour les mineurs ou les personnes vulnérables.

Pour sécuriser l'espace de vie du patient, il faut éventuellement aider à mettre en place une ordonnance de protection qui permettra d'organiser l'éviction d’un conjoint violent, de mettre en place un hébergement d'urgence ou un placement en urgence s'il s'agit d'un enfant en danger. Si une victime majeure souhaite dans un premier temps rester dans l'univers violent (famille, couple, travail), il faut avec elle mettre en place des stratégies d'évitement, de défense et de sauvegarde, l'aider à identifier, à anticiper et à désamorcer les comportements violents, les stratégies et les manipulations des auteurs, l'aider à préparer une séparation dans les meilleures conditions de sécurité. De même il faut l’aider à identifier et favoriser toutes les conduites et situations apaisantes qui ont fait leurs preuves (importance de questionner le patient sur ce qui l'apaise), en favorisant les liens avec les personnes de confiance et en informant celles-ci pour qu'elles soient à même d'intervenir et rassurer, voire d'héberger en urgence.

Pour prendre en charge les conduites addictives séquellaires (alcool, drogues, tabac), il faut donner toutes les informations nécessaires sur les psychotraumatismes, en expliquant notamment les mécanismes neuro-biologiques, en plus des thérapeutiques habituellement mises en œuvre.

Pour soulager la souffrance psychique et les symptômes anxio-dépressifs, un traitement médicamenteux peut être nécessaire : anxiolytiques ( les benzodiazépines sont les plus efficaces, attention aux risques de troubles de la mémoire et aux risques de dépendance, on peut aussi l’utiliser l’hydroxyzine), somnifères, antidépresseurs sérotoninergiques (qui permettent de traiter les symptômes dépressifs, et également l'état de stress post-traumatique ; ils diminuent aussi les réactions émotionnelles mais il faut faire attention au risque d'anesthésie affective et de désinhibition, avec un risque suicidaire en début de traitement surtout chez les adolescents).

Pour soulager la souffrance physique, il est utile d'associer un traitement antalgique efficace ; de plus la kinésithérapie, la relaxation, l'hypnose et les thérapies corporelles peuvent être d'un apport intéressant. De plus, pour éviter des montées de stress (adrénaline) trop importantes (qui vont réveiller la mémoire traumatique), on peut prescrire un traitement préventif par béta-bloquants non cardio-sélectifs.

Dans tous les cas, il est essentiel de ne pas se contenter de mettre en place uniquement un traitement symptomatique sans prise en charge psychothérapique spécialisée. Et il est encore plus essentiel de ne pas avoir recours à des traitements uniquement dissociants et anesthésiants comme les traitements sédatifs lourds, les électro-chocs, les amphétamines (utilisées pour les enfants atteints d'hyperactivité).

B - Techniques et psychothérapies

  1. Généralités :
    Le traitement psychothérapique spécialisé pour des victimes de violences est malheureusement encore très peu développé. Peu de psychothérapeutes qu'ils soient médecins (psychiatres, médecins généralistes ou autres spécialistes), psychologues cliniciens ou autres (ni médecins, ni psychologues), sont formés spécifiquement à la psychotraumatologie et à la victimologie.
    Différentes techniques psychothérapiques peuvent être utilisées : psychothérapie dynamique, psychanalyse, thérapies systémiques, thérapies comportementales et cognitives (TCC), hypnose et EMDR, thérapies émotionnelles, thérapies corporelles, thérapie par le jeu pour les enfants, thérapies de groupe (la liste n'est pas exhaustive). Le traitement n'est pas le même quand il s'agit de violences uniques ou limitées dans le temps ou quand il s'agit de violences continues, répétées, installées dans la durée. Lors de violences uniques la thérapie peut être efficace en quelques séances, surtout si elle est mise en place rapidement après le traumatisme, en donnant des outils sur les mécanismes et en évitant qu'une mémoire traumatique et des symptômes ne s'installent. Lors de violences continues, répétées, particulièrement si elles ont eu lieu dans l'enfance (comme les incestes), il ne s'agit pas uniquement de traiter des émotions et des symptômes, il faut aider la personne à se libérer d'une personnalité traumatisée qui s'est construite autour de symptômes psychotraumatiques, et à retrouver et reconstruire sa vraie personnalité, son histoire et sa vérité, à réunifier intellect, corps et émotions, à déminer patiemment la mémoire traumatique, cela demande une thérapie spécialisée plus longue.
  2. Cadre des prises en charge psychothérapique :
    Le thérapeute doit être compétent (avoir le titre de psychothérapeute, cf. le récent décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 http://www.legifrance.com/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000022244482), expérimenté et formé à la psychotraumatologie. La thérapie doit être centrée sur les violences et leurs conséquences psychotraumatiques, en face à face ; elle ne doit pas faire l'économie d'un engagement contre les violences et les rapports d'inégalité, et doit comporter des références à la loi ; elle ne peut donc pas se faire dans un strict cadre psychanalytique.
    La thérapie ne doit pas se limiter à des techniques uniquement dissociantes qui, en anesthésiant la souffrance et en déconnectant la personne de sa mémoire traumatique, apportent un soulagement et un arrêt des réminiscences qui ne peuvent être que transitoires (hypnose, EMDR, TTC). Ces techniques utiles doivent être associées à un travail sur les liens entre violences, symptômes et émotions, sur la compréhension des mécanismes, sur le traitement de la mémoire traumatique, sur l'analyse des violences et du comportement de leur auteur.
    La relation doit être respectueuse, bienveillante, sécurisante, sans aucun rapport de pouvoir, en face à face, avec une écoute empathique. Il ne s'agit pas de juger le patient ni de l'éduquer, mais de le croire, de l'accompagner, de le soutenir et de lui offrir des outils performants pour mieux se comprendre, pour mieux comprendre et contrôler ses réactions, ses émotions, ses comportements, mieux comprendre son histoire, la stratégie de l'auteur des violences, et se libérer.

C - Traitement

  1. Il s'agit de traiter la mémoire traumatique
    Le traitement doit permettre de «déminer le terrain psychique», c'est à dire de permettre une reconnexion de l'amygdale en identifiant les traumatismes, en les intégrant et en leur faisant intégrer la mémoire déclarative autobiographique. Il faut que le cortex associatif et l'hippocampe puissent à nouveau jouer leur rôle de modulateurs sur l'amygdale, en permettant d'éteindre l'amygdale, d'éviter ainsi le «survoltage» et la disjonction, de sorte qu’elle ne produise plus de mémoire traumatique. Quand cet objectif est atteint, cela permet de faire disparaître les réminiscences, les conduites d'évitement et les conduites dissociantes.
    Dans un premier temps, les victimes doivent identifier les violences avec l’aide de leur thérapeute, pour comprendre l’origine de leur souffrance ; le thérapeute va ensuite leur faire faire des liens entre les violences subies et les symptômes actuels. La compréhension des mécanismes neuro-biologiques et psychologiques des psychotraumatismes leur permet alors de «revisiter» les violences en ouvrant les portes désignées par les manifestations de la mémoire traumatique (chez le petit enfant cela peut passer aussi par le jeu et les contes).
    Pour que le vécu traumatique des violences puisse petit à petit devenir intégrable, il faut qu'il devienne mieux représentable, mieux compréhensible ; pour cela il faut mettre des mots sur chaque situation, sur chaque comportement, sur chaque émotion, en analysant avec justesse le contexte, ses réactions, le comportement de l'agresseur. Cette analyse poussée permet au cerveau associatif et à l'hippocampe de fonctionner à nouveau, et ainsi de reprendre le contrôle des réactions de l'amygdale cérébrale, et d'encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable.
  2. Le but est de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à redonner du sens. Tout symptôme, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement, toute pensée, toute réaction ou sensation incongrue doivent être disséqués pour les relier à leur origine, pour les éclairer par des liens qui permettent de les mettre en perspective avec les violences subies. Par exemple, quand il y a eu des violences sexuelles, une odeur qui donne un malaise et envie de vomir se rapporte à une odeur de l'agresseur ; une douleur qui fait paniquer se rapporte à une douleur ressentie lors de l'agression ; un bruit qui paraît intolérable et angoissant est un bruit entendu lors des violences comme un bruit de pluie s'il pleuvait, un bruit de chaudière si le viol a été commis tout à côté d'une chaudière ; une heure de la journée peut être systématiquement angoissante ou peut entraîner une prise d'alcool, des conduites boulimiques, des raptus suicidaires, des auto-mutilations s'il s'agit de l'heure de l'agression ; une sensation d’irritation, de chatouillement ou d’échauffement au niveau des organes génitaux survenant de façon totalement inadaptée dans certaines situations peut se rapporter aux attouchements subis ; des «fantasmes sexuels» violents, très dérangeants, dont on ne veut pas mais qui s’imposent dans notre tête, ne sont que des réminiscences traumatiques des viols ou des agressions sexuelles subies. Rapidement, ce travail se fait quasi automatiquement et permet de sécuriser le terrain psychique. Lors d’un allumage de la mémoire traumatique, le cortex pourra désormais contrôler la réponse émotionnelle et apaiser la détresse sans avoir recours à une disjonction spontanée ou provoquée par des conduites dissociantes à risque. La victime devient experte en «déminage» et poursuit le travail toute seule, les conduites dissociantes (qui rechargeaient à chaque fois la mémoire traumatique) ne sont plus nécessaires et la mémoire traumatique se décharge de plus en plus. La sensation de danger permanent s'apaise et petit à petit il devient possible aux victimes de se retrouver et d'arrêter de survivre pour vivre enfin.
    Il s’agit de réunir et de replacer toutes les pièces isolées qui vont permettre de reconstruire l’événement traumatique, avec cette fois un accompagnement, une chronologie retrouvée et une élaboration de grilles de lecture, de représentations, et d’interprétations qui vont être efficaces pour moduler et éteindre les réponses émotionnelles sans le recours à la disjonction et rendre ainsi inutiles les conduites d’évitement et les conduites dissociantes. La mémoire traumatique «déminée», «désamorcée» va pouvoir être intégrée dans une mémoire explicite narrative et autobiographique libérant l’espace psychique. L’arrêt des conduites dissociantes va permettre une certaine récupération neurologique(neurogénèse) et la récupération d’un sentiment de cohérence et d’unité, de «retrouvailles avec soi-même». Dans les études récentes, quand les patients vont mieux on voit sur les IRM et les tomodensitométries une augmentation du volume de l'hippocampe qui signe une repousse neuronale, les atteintes neuronales ne sont pas définitives.
  3. Il est important et souvent très utile de proposer aux victimes d’écrire sur les événements violents, sur leurs émotions, leurs réactions, leurs symptômes, leurs rêves, ou bien de les soutenir en les incitant à continuer si elles ont déjà commencé à écrire. Des groupes de paroles dans le cadre d'associations peuvent être très utiles pour aider les victimes à s'exprimer sur leur histoire et leur vécu, en les confrontant avec ceux d'autres victimes, à se sentir moins seules, à se déculpabiliser, à trouver d'autres ressources et à échanger des savoir-faire. Toutes les activités créatives (écriture, poésie, théâtre, danse, chant, musique, dessin, peinture, sculpture, photographie, cinéma) sont aussi des aides précieuses pour s'exprimer, se comprendre, et sont à la fois des facteurs de résilience et des outils thérapeutiques.
  4. Il est essentiel d'aider le patient à retrouver une estime de soi,
    à reprendre confiance dans ses compétences cognitives, dans ses capacités d'analyses, à se recréer un univers sécurisé et à faire des projets, à restaurer des liens affectifs et sociaux, à reprendre des activités de loisir et des activités sportives. Il est très important pour les enfants de leur faire découvrir ou re-découvrir des capacités créatives et cognitives, et de favoriser des liens affectifs sécurisants (adultes protecteurs, animaux de compagnie)
  5. Enfin, il est essentiel d'expliquer les mécanismes à l'oeuvre chez l'agresseur pour permettre une meilleure compréhension de son comportement (lié à sa mémoire traumatique), de sa position perverse d'emprise (pour mieux se défendre), de nommer les agressions, de faire référence à la loi. Il est primordial de ne plus banaliser les violences, de ne plus être fataliste face à la violence subie, de savoir que l'agresseur peut renoncer à la violence et se faire traiter.

Prise en charge des proches des victimes et des acteurs de la victimologie

Accompagner une victime, vivre avec elle, la soutenir, la soigner, être capable de l'entendre et de la comprendre, tout cela oblige à se confronter avec la réalité de violences qui souvent dépassent l'entendement et à se retrouver plongé dans l'horreur de ce qui a été vécu par la victime. Les proches et les professionnels se retrouvent fortement sollicités sur le plan émotionnel, sans pouvoir se protéger en se blindant et en s'anesthésiant, car cela risquerait d'être préjudiciable à la victime. De plus, les conséquences psychotraumatiques des violences sur les victimes sont souvent déroutantes, incompréhensibles et déstabilisantes si on n’a pas toutes les clés pour les comprendre et les anticiper.

Il est courant que des proches ou des professionnels, devenus témoins par procuration des violences extrêmes qu'ont subies des victimes, et confrontés à leur détresse et leur grande souffrance, développent aussi des troubles psychotraumatiques (pour les professionnels on les appelle des psychotraumatismes vicariants). Ces conséquences psychotraumatiques peuvent être à l'origine d'états de stress post-traumatiques, d'états dépressifs, de troubles anxieux, de tentatives de suicide, de conduites addictives avec des consommation de tabac, d'alcool, voire de drogues, et de conduites à risques avec des mises en danger. Ces troubles psychotraumatiques peuvent être aussi à l'origine d'une irritabilité vis à vis de la victime, d'une anesthésie émotionnelle avec une indifférence qui s'installe vis à vis d’elle, voire de conduites violentes à son encontre.

Pour permettre aux victimes d'être vraiment bien prises en charge, et éviter ces conséquences traumatiques sur les proches et les professionnels, il est nécessaire de fournir aux personnes qui les entourent les outils pour comprendre les conséquences des violences et les mécanismes psychotraumatiques, et aussi de leur offrir un soutien et un suivi, de leur proposer des groupes de paroles ou d'analyse des pratiques qui leur permettrons de s'exprimer et d'échanger.


Prise en charge des auteurs de violences

Il est thérapeutique que les auteurs ne restent pas dans l'impunité et qu'ils répondent de leurs actes devant la loi, à la fois au niveau pénal et civil. Il s'agit d'un signal fort qui leur est donné sur le fait qu'ils n'avaient pas le droit de commettre des violences et que toutes les personnes ont droit au respect de leur intégrité physique et psychique.

Mais le rappel à la loi et les condamnations pénales et civiles ne sont pas suffisants pour empêcher la récidive, il est essentiel qu'un traitement soit mis en place dans le cadre d'une injonction de soin. Les agresseurs doivent recevoir des informations précises sur les conséquences psychotraumatiques des violences sur les victimes, et sur les mécanismes en jeu dans la production de comportements violents et dans l'addiction à la violence. Ils doivent prendre conscience de leur anesthésie émotionnelle et en comprendre les mécanismes.

Il est nécessaire de leur faire faire (idéalement lors de stages obligatoires, cela existe dans d’autres pays), tout un travail de réflexion sur la relation à autrui, sur l'obligation de renoncer à des rapports d'emprise et d'instrumentalisation, sur le respect des droits et de la dignité des personnes, sur l'égalité hommes-femmes, sur les droits des enfants. Il faut aussi les aider à démonter les stéréotypes sexistes sur les hommes et les femmes, les fausses représentations sur la féminité, la virilité, l'éducation des enfants, la sexualité, en dénonçant l'équivalence sexualité-prédation et sexualité-violence, et en dénonçant le recours à la prostitution et à la pornographie.

Les agresseurs peuvent et doivent donc se faire traiter. Il s'agit de les «désintoxiquer» de leur recours à la violence comme conduite dissociante, et de les sortir de leur anesthésie affective. Pour cela il faut traiter leur mémoire traumatique et leur faire prendre conscience que les violences sont une conduite d'auto-traitement, catastrophique et répréhensible, d'un mal-être qui provient de leur histoire et qui n'a rien à voir avec la victime et ce qu'elle a fait ou n’a pas fait, il faut leur faire identifier des liens entre leur violence et des violences qu'ils ont pu subir dans leur enfance ou dont ils ont pu être les témoins. Le but est qu'ils renoncent à leur identification à l'agresseur ou aux agresseurs du passé, et qu'ils reconnaissent et réintègrent leur statut de victime. En effet, les agresseurs cherchent par tous les moyens à échapper à leur statut de victime qu'ils méprisent totalement et dont ils ne veulent rien savoir ; en s'identifiant à l'agresseur de leur passé ils adhérent à une idéologie où la loi du plus fort règne, et où la victime, si elle a un statut d'inférieur à toujours tort, et n'a pas le droit de se défendre ni de se plaindre ; au contraire, ils considèrent que celui qui est en position de supériorité a toujours raison et a même le droit de se plaindre d’«inférieurs» en dehors de toute considération de vérité et de justice. En d'autres termes, une personne qui veut se considérer comme supérieure et ayant accès à des privilèges ne doit en aucun cas s'avouer victime de quelqu'un qui serait en position de supériorité (car elle perdrait son statut de supérieure et serait alors méprisable à ses propres yeux), mais peut se revendiquer indûment victime d'une personne en situation d'infériorité (car il s'agirait alors d'un «crime de lèse-majesté» qui ne lui ferait pas perdre son statut de supérieur).

Plus les auteurs sont traités tôt, plus le traitement est efficace et c'est particulièrement vrai en ce qui concerne les adolescents et les adultes jeunes. Mais attention ! souvent quand les adolescents et les jeunes auteurs renoncent à leur conduites violentes et que, de ce fait, ils ne sont plus dissociés et anesthésiés, il y a un risque important de dépression quand ils se mettent à ressentir de façon émotionnelle la gravité des violences qu'ils ont commises. Auparavant ils en connaissaient la gravité intellectuellement, mais ne ressentaient rien à leur évocation, et là enfin ils ont des émotions normales. Il y a alors un risque suicidaire important et ils ont besoin d’un accompagnement et d’un traitement efficace de leur souffrance psychique. Des groupes de paroles d'auteurs (regroupés par thème de violences : violences conjugales, violences familiales, violences sexuelles, pédocriminalité) leur sont souvent proposés dans le cadre de CMP, Centres médico-psychologiques, ou d'associations spécialisées. Une thérapie systémique peut être proposée.


Prise en charge de la société dans son ensemble

Il s'agit d’œuvrer pour lutter contre les inégalités, le sexisme, les discriminations et la tolérance vis à vis des violences, pour transformer les fausses représentations et les stéréotypes sur la violence (qui serait une fatalité ou une une nécessité), sur les rapports d'autorité, sur les hommes et les femmes, sur les enfants, les "jeunes", la famille, le couple, l'éducation, sur les relations amoureuses et la sexualité, pour améliorer la prise en charge policière et judiciaire des victimes, et pour faire appliquer la loi.


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