2020 - Stop prescription 2020

Révolté·e·s par l’impunité de la pédocriminalité en France, nous, responsables d’association, militant·e·s et personnalités engagées, avons lancé en juin 2020 une campagne vidéo STOP PRESCRIPTION avec des témoignages de victimes d'amnésie traumatique suite à des violences sexuelles dans l’enfance.

#Stop prescription

MANIFESTE STOP PRESCRIPTION

Révolté·e·s par l’impunité de la pédocriminalité en France, nous, responsables d’association, militant·e·s et personnalités engagées, avons lancé en juin 2020 une campagne vidéo STOP PRESCRIPTION avec des témoignages de victimes d'amnésie traumatique suite à des violences sexuelles dans l’enfance pour demander :

l’imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineur.e.s et la levée de la prescription pour les crimes sexuels en série et lors d’amnésie traumatique.

Cette campagne STOP PRESCRIPTION a été lancée par Sarah Abitbol (patineuse professionnelle, autrice), Nadège Beausson-Diagne (actrice, autrice, réalisatrice), Andréa Bescond (comédienne, scénariste, réalisatrice, autrice), Arnaud Gallais cofondateur du collectif Prévenir et protéger, Mie Kohiyama présidente de Moiaussiamnésie, Marie Rabatel présidente de l’AFFA (Association Francophone de Femmes Autistes), Dre Muriel Salmona, présidente de Mémoire Traumatique et Victimologie, et nous ont rejoint Vanessa Aiffe Ceccaldi (actrice), Philippe Bizot, Adélaïde Bon (comédienne, autrice), Sandrine Martins (militante féministe contre les violences sexuelles). Les vidéos ont été réalisées par Guy Beauché. Nous remercions très chaleureusement celles et ceux qui ont témoigné.

Les vidéos de la campagne STOP PRESCRIPTION sont visibles sur la chaîne YouTube #StopPrescription où elles ont déjà été vues des dizaines de milliers de fois : https://www.youtube.com/channel/UCWTJdzjfTVAQmOQ2d-B6PLw/videos.

Rappelons que la prescription de l'action publique constitue une exception péremptoire et d'ordre public : elle ôte aux faits tout caractère délictueux et criminel. Une fois passé le délai prévu par la loi, la prescription interdit donc aux victimes de violences de poursuivre au pénal leurs agresseurs pour les crimes et délits qu’ils ont commis, et d’obtenir justice.

Si pour toutes les victimes la prescription est injuste et représente une atteinte à leurs droits, dans le cas des viols et des agressions sexuelles sur mineurs elle s’avère particulièrement injuste, cruelle et inhumaine. De plus elle est un facteur de risque très important de réitération des crimes et délits qui met en danger tous les enfants et en péril la société dans son ensemble.

En effet :

  • l’ampleur de ces violences qui en font des crimes de masse, 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 subissent des violences sexuelles (OMS, 2014) et on estime que 130 000 filles et 35 000 garçons subissent des viols chaque année ;
  • leur caractère discriminatoire, sexiste et particulièrement cruel, dégradant et inhumain, les victimes étant très majoritairement des filles (83%) et des personnes particulièrement vulnérables : 50% des victimes ont moins de 10 ans, les enfants handicapés sont 3 fois plus victimes de violences sexuelles, et 90% des auteurs des hommes (MTV/ Ipsos, 2019) ;
  • le fait que ces violences soient commises dans plus de 90% des cas par des proches, et dans près de la moitié des cas par un membre de la famille (et même dans 54% en cas de viols incestueux (MTV/ Ipsos, 2019) ;
  • le fait que règnent un déni massif, une loi du silence, et une culture du viol omniprésente qui invisibilisent ou minimisent les violences, culpabilisent et font taire les victimes et disculpent les agresseurs, les victimes mettent plus de 12 ans à parler après les faits (14 ans en cas de viols) (MTV/ Ipsos, 2019) ;
  • l’absence généralisée de secours, de protection et de soins spécifiques pour les victimes (83% n’ont jamais été reconnues, ni protégées, Moins d’une victime sur 10 a pu bénéficier d’un suivi médical juste après les faits. Pour une majorité, il aura fallu plus d’une dizaine d’années) ;
  • la gravité des conséquences psychotraumatiques tout au long de la vie, avec de lourdes conséquences sur leur santé mentale et physique : 70% de dépressions, et de troubles anxieux, près de 50% de tentatives de suicides, 50% de troubles alimentaires, 36% de conduites addictives (MTV/Ipsos, 2019), 70% subissent à nouveaux des violences et 50% traversantes période précarité (IVSEA, 2016) ;
  • la fréquence des amnésies traumatiques (pour 40% des victimes de violences sexuelles dans l’enfance et jusqu’à 54% pour les victimes âgées de moins de 10 ans) MTV/Ipsos, 2019) ;
  • et une impunité quasi totale, moins de 1% des viols étant jugés en tant que tels (Infostat Justice 2018) ;
    Toutes ces données rendent la prescription particulièrement injuste et rendent son abrogation nécessaire. D’AUTANT PLUS QUE 70% des français.e.s sont favorables à une imprescriptibilité des crimes sexuels (MTV/Ipsos, 2018).

Pour de nombreuses victimes la prescription leur interdit de poursuivre en justice leurs agresseurs alors bien même qu’elles ont été dans l’impossibilité ou l’incapacité de dénoncer à temps les viols et les agressions sexuelles qu’elles ont subis :

  • du fait de leur état de grande immaturité, vulnérabilité et dépendance,
  • de par les graves psychotraumatismes qui en sont la conséquences qui ne sont qu’exceptionnellement identifiés et pris en charge spécifiquement,
  • en raison des menaces et de la manipulation des agresseurs et de leurs complices avec lesquels elles sont fréquemment obligés de rester en contact puisqu’ils sont des proches et appartiennent majoritairement à leur famille,
  • à cause d’une société qui non seulement n’a pas été capables de les protéger, mais qui, gangrénée qu’elle est par le déni, la culture du viol, la loi du silence et l’absence de reconnaissance et de prise en charge des conséquences psychotraumatiques des violences, ne leur a pas permis d’identifier ce qu’elles avaient subi, ni de se sentir légitime pour le dénoncer.

Il faut beaucoup de temps aux victimes avant de prendre conscience ce qui leur est arrivé, de retrouver la mémoire, de ne plus être écrasées par la peur, la culpabilité et la honte, de ne plus être terrassées par le traumatisme, et de pouvoir avoir la force de parler et de porter plainte. Pour d'innombrables victimes, quand elles sont enfin en état de le faire, il est trop tard, la prescription les en empêche.

Si la loi a tenu compte de cette difficulté pour les mineurs victimes sexuelles en des délais spécifiques démarrant à la majorité, cela reste insuffisant et c’est la notion même de prescription qui doit être remise en cause et abrogée. En effet pour les mineurs la prescription a été portée à 30 ans après la majorité pour les crimes sexuels (depuis la loi Schiappa du 3 août 2018), à 20 ans après la majorité pour les délits sexuels aggravés (depuis la loi Perben du 9 mars 2004) et à 10 ans après la majorité pour les autres délits sexuels (la prescription étant pour les personnes ayant subi des violences sexuelles en tant qu’adulte de 20 ans pour les crimes sexuels et de 6 ans pour les délits sexuels). Il est à noter que les allongements des délais de prescriptions successifs ne sont et ne sont pas rétroactifs, ils continuent et continueront de laisser de nombreuses victimes sans possibilité de faire valoir leurs droits au pénal.

Il est donc particulièrement cruel et inhumain qu’un État comme le nôtre retire sous prétexte d’un délai qui n’aurait pas été respecté par les victimes, un droit fondamental aux victimes de crimes et délits considérés par le droit national, européen et international comme très graves assimilables à des tortures que les États sont dans l’obligation de prévenir et de punir, et étant connus comme ayant de très lourdes conséquences sur leur santé et sur leur vie à long terme et représentant un problème majeur de santé publique, alors bien même que notre État échoue :

  • à prévenir ces violences qui sont de très grandes ampleurs, à mettre en place des lois adaptées pour protéger tous les enfants de ces violences ;
  • à identifier les victimes, à dépister les signes alarmants et les symptômes de souffrance, et à entendre les victimes ou les personnes qui veulent les protéger quand elles parlent et dénoncent les violences ;
  • à secourir, protéger les victimes, les prendre en charge, leur assurer une aide et un accompagnement adapté exempt de toute maltraitance, à leur fournir les soins indispensables à la préservation de leur santé, à réparer les très importants préjudices qu’elles ont subi qui portent atteinte à leur santé, et sont un facteur de grande précarité, d’aggravation des inégalités, des discriminations qu’elles subissent et de leurs vulnérabilités et de leurs handicap ;
  • à qualifier les violences quand elles sont connues ou dénoncées, à identifier et à poursuivre les agresseurs, à les juger, à les condamner et à prévenir la réitération de violences sur la même victime et sur de nombreuses autres victimes.
  • à donner aux victimes des réparations à hauteur des préjudices subis qui leur permettent de se reconstruire dans les meilleurs conditions.

Cela revient à retirer aux victimes un droit fondamental pour qu’elles puissent être protégées et réparées en leur signifiant que c’est de leur faute puisqu’elles n’ont pas dénoncé aux autorités les violences à temps, et donc de les sanctionner alors que leurs droits ont été totalement bafoués et que rien n’a été fait pour les secourir, les protéger, ni les aider. De plus dans de nombreuses affaires de pédocriminalité, certaines victimes peuvent avoir subi les mêmes violences par un même agresseur, dans des conditions similaires avec les mêmes preuves, sur des dizaines d’années. Ainsi dans l’affaire du chirurgien Le Scouarnec où ont été dénombrées plus de 400 enfants victimes sur 30 ans, ou comme dans celle de « l’électricien » ou plus de 70 enfants victimes. Du fait de la prescription certaines ne pourront pas aller en justice alors que pour d’autres cela sera possible, sans que rien, absolument rien ne puisse justifier que tous les crimes commis par un même agresseur ne soient pas jugés. Nous estimons que les arguments habituels sur lesquels se fondent la prescription comme le droit à l’oubli ou bien la déperdition de preuves n’ont aucune légitimité. La prescription est une atteinte à l’égalité des droits face à la justice.

Cette situation est profondément inhumaine, il ne suffit pas d’allonger les délais, la prescription doit être abrogée : nous demandons une imprescriptibilité des crimes sexuels et des délits sexuels aggravés, et une interruption de la prescription dans les cas suivants :

  • pour les crimes et délits sexuels aggravés commis sur des mineurs en cas de commission par leur auteur d’un même crime ou d’un même délit sexuel aggravé contre d’autres mineurs (dès lors que ce même crime ou ce même délit sexuel aggravé contre d’autres mineurs est commis avant la prescription du premier) ;
  • lors d'une amnésie traumatique ou de troubles psychotraumatiques dont une expertise ordonnée par un magistrat aura apprécié si elle/ils constituent un obstacle de fait insurmontable rendant impossible la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, en application de l'article 9-3.

Pouvons-nous continuer à vivre dans un monde où les victimes de crimes sexuels sont abandonnées et où les violeurs restent impunis ? Est-cela l’ordre public que défend la prescription ?

Texte de Muriel Salmona, pour la campagne STOP PRESCRIPTION, novembre 2020

POUR EN SAVOIR PLUS :

Les sites des associations qui ont lancé cette campagne STOP PRESCRIPTION : Association Francophones de Femmes Autistes AFFA : < https://femmesautistesfrancophones.com> Association Mémoire Traumatique et Victimologie : https://www.memoiretraumatique.org Association Moiaussiamnesie : https://moiaussiamnesie.fr

Les vidéos de la campagne STOP PRESCRIPTION réalisées par Guy Beauché sont visibles sur la chaîne YouTube #StopPrescription : https://www.youtube.com/channel/UCWTJdzjfTVAQmOQ2d-B6PLw/videos

Des ouvrages à lire et des œuvres à voir de ayant participé aux vidéos qui témoignent de violences sexuelles subies dans l’enfance, de leurs conséquences et de l’amnésie traumatique :
Abitbol Sarah, Un si long silence, éd. Plon, 2020.
Bescond Andréa, Les chatouilles, pièce de théâtre et film, livres Et si on se parlait ?.
Bon Adélaïde, La petite fille sur la banquise, éd. Poche, 2019.
Cécile B. Le petit vélo blanc, éd Calmann-Lévy, 2015 l’auteure est Mie Kohiyama.
Salmona Muriel, Le livre noir des violences sexuelles, 2e éd. Dunod, 2018.

Des articles de la Dre Muriel Salmona qui présentent l’état des lieux des violences sexuelles faites aux enfants, leur impunité, leurs conséquences psychotraumatiques dont l’amnésie traumatique :
- Le psychotraumatisme du viol : Conférence introductive pour la 2ème journée du 1er Congrès de la chaire internationale Mukwege, Le 14 novembre 2019.
- L’amnésie traumatique : un mécanisme dissociatif pour survivre 2018.

Trois témoignages à lire du Manifeste pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels

Le témoignage de Corinne : http://stopauxviolences.blogspot.fr/2016/11/temoignage-de-corine-dans-le-cadre-du.html.

La lettre de Laurent Esnault réalisateur du documentaire École en bateau, enfance sabordée: http://stopauxviolences.blogspot.fr/2017/01/lettre-de-laurent-esnault-realisateur.html.

La lettre d'une victime de viol incestueux de 14 à 20 ans et qui n'a pas pu porte plainte à cause de la prescription : http://stopauxviolences.blogspot.fr/2017/01/lettre-dune-victime-de-viol-de-lage-de.html.

Les pétitions et manifestes de l’association Mémoire Traumatique et Victimologie :

Pétition pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels(plus de 43 500 signataires et 27 assos co-signataires) à signer ICI
Manifeste pour l’imprescriptibilité des crimes sexuels.
Pétition Stop impunité des crimes sexuels (plus de 104 400 signataires et 29 assos co-signataires) à signer ICI.
Manifeste contre l’impunité et ses 8 mesures

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