2023 - Campagne Stop à la mise en danger des victimes
STOP À LA MISE EN DANGER DES VICTIMES DE VIOLENCES INTRA-FAMILIALES ET SEXUELLES
Pour une culture de la protection et du soin
avec 15 mesures urgentes à mettre en place
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PÉTITION DE SOUTIEN À SIGNER ET PARTAGER
IL EST TEMPS D'AGIR POUR EXIGER.
une culture de la Protection et du Soin
une reconnaissance du psychotrauma
et la fin du déni et de l'Impunité pour toutes ces violences
Les violences intra-familiales et sexuelles sont un problème de sécurité et de santé publique majeur, l’absence de protection, de soins et l’impunité représentent pour les victimes de graves mises en danger et pertes de chance pour leur santé, elles sont une atteinte intolérable à leurs droits. La France a des obligations internationales vis à vis de ces graves violations des droits humains : celles de protéger, de prendre en charge et de réparer les victimes, de poursuivre, de condamner les agresseurs et d’empêcher toute réitération de ces violences.
Les femmes et les enfants subissent massivement ces graves violations des droits humains que sont ces crimes et délits sexistes et sexuels : 1 femme est tuée par son (ex)conjoint tous les 2 jours et demi ; 1 enfant est tué par un de ses parents tous les 5 jours, 1 femme sur 3 subit des violences conjugales et/ou sexuelles dans sa vie (chaque année 220 000 sont victimes de violences conjugales et 94 000 de viols), 1 fille sur 5 et 1 garçon sur 13 des violences sexuelles (chaque année plus plus de 160 000 enfants en sont victimes dont plus de 80% sont des filles).
Dans 9 cas sur 10 les auteurs des violences sexuelles sont des hommes et des proches en très grande majorité (famille, conjoints, institutions,…). Les femmes et les enfants les plus vulnérables sont bien plus à risque d’en subir ; les femmes en situation de handicap en subissent 2 fois plus, les enfants en situation de handicap trois fois plus, et jusqu’à cinq à 6 fois plus quand le handicap est mental, psychique ou neuro-développemental : 9 femmes autistes sur 10 ont des violences sexuelles en majorité dès leur enfance (OMS, 2017, Dammeyer, 2018, Drees, 2020, Cazalis,2022).
La très grande majorité des victimes de ces violences ne sont pas reconnues ni secourues, elles sont condamnées à survivre seules aux violences et à leurs conséquences psychotraumatiques sans protection, sans justice, sans aide ni soins ni réparations. Seules 10% des victimes de viols ont eu des soins d’urgence et seules 8,5% des victimes de violences sexuelles dans l’enfance ont bénéficié de soins spécialisés en psychotrauma. Les victimes mettent de 10 à 13 ans pour trouver un professionnels.
L’absence de repérage, de protection, de reconnaissance du psychotraumatisme et de soins spécifiques, la faillite du traitement des plaintes et des signalements (plus de 74% de classements sans suite pour les plaintes pour viols) et l’impunité quasi totale dont bénéficient les agresseurs représentent de graves mises en danger et pertes de chance pour les victimes. C’est intolérable.
Sans protection, ni soin ces violences sont d’autant plus répétées et traumatisantes. La vie et la santé mentale et physique des victimes sont durablement mises en danger avec de lourdes répercussions sur leur vie personnelle, amoureuse et sexuelle, leur scolarité et leur vie professionnelle. Cela aggrave les situations d'inégalités, de discriminations et de handicap, augmentent les risques de précarité, de vulnérabilité et de subir de nouvelles violences (continuum de violences).
Les lourdes conséquences psychotraumatiques sur la santé des victimes à long terme sont d’autant plus sévères que les victimes sont des enfants et des personnes vulnérables. Elles sont dues à des mécanismes de sauvegarde mis en place par le cerveau lors des violences qui entraînent une dissociation traumatique qui anesthésie les émotions tant que la victime est confrontée à des situations de violences ou de stress, une mémoire traumatique qui fait revivre à l’identique les violences dès qu’un lien les rappelle, comme une torture sans fin et des stratégies de survie pour y survivre : conduites d’hypervigilance, d’évitements et de contrôle pour y échapper, et conduite à risques dissociantes pour l’anesthésier.
Sans protection ni soins spécifiques précoces des troubles psychotraumatiques pour traiter leur mémoire traumatique, les victimes ont un risque de mort précoce par homicides, suicides, accidents, maladie liées au stress de subir de nouvelles violences, 1 sur 2 fait des tentatives de suicides et des dépressions à répétition, de troubles anxieux majeurs, de troubles du sommeil et de l’alimentation, de conduites addictives et de conduites à risque, de douleurs chroniques, de troubles cardio-vasculaires, gynéco-obstétriques, endocriniens, gastro-digestifs, locomoteurs, immunitaires, neurologiques, etc.
Or les études internationales ont démontré que des soins spécifiques du psychotrauma, accompagnés d’une protection, sont très efficaces ils permettent d’éviter la presque totalité de ces conséquences. Pourtant les professionnels de la santé ne sont toujours pas formés systématiquement et l’offre de soin spécifiques des traumas est très insuffisantes. Cette absence de reconnaissance et de prise en charge des traumas nuit gravement aux victimes, les symptômes psychotraumatiques font l’objet de diagnostics erronés et des soins inadaptés, quand ils ne sont pas retournés contre les victimes pour décrédibiliser leurs plaintes et alimenter les stéréotypes sexistes.
Aucune victime de violences sexistes et sexuelles ne doit être laissée sans secours, protection, aides, soins ni réparations. Dès les premières violences tous les agresseurs doivent être poursuivis, punis et être empêchés de réitérer des violences. Ce sont des obligations internationales auxquelles l’Etat français ne peut se soustraire.
Le premier facteur de risque de commettre des violences est d’en avoir déjà subi dans l’enfance, ce risque est en grande partie lié à des conduites dissociantes violentes qui sont des conséquences psychotraumatiques, il pourrait être évité si tous les enfants victimes de violences étaient protégés et soignés.
C’est pourquoi nous réclamons de la part de l'état une volonté politique forte pour instaurer une culture de la protection, du trauma, du soin et de la réparation pour les victimes de violences sexuelles.
Pour cela, nous exigeons la mise place en urgence de 15 mesures indispensables pour améliorer les soins des femmes et des enfants victimes de violences sexistes et sexuelles, ces soins s’inscrivant dans une prise en charge holistique médico-psychologique, sociale et judiciaire (cf le Manifeste contre l'impunité ):
- En formant TOUS les professionnels de la santé dès leurs études et en formation continue à la psychotraumatologie et la victimologie ainsi qu’à l’accueil, la protection et la prise en charge d’une victime quel que soit son âge, son lieu de vie (famille, foyers, institutions, lieux de détention), ses handicaps, son état de santé, sa vulnérabilité ; la psychotraumatologie et la victimologie, doivent être des matières obligatoires et devenir une spécialisation à part entière en médecine.
- En développant une information de qualité (campagnes, sites, brochures…) destinée aux enfants, aux parents et au grand public sur les violences, leur prévention et leur dépistage, les conséquences médicales des violences sur la santé mentale et physique, les symptômes psychotraumatiques et leurs mécanismes et les soins spécialisés, les conduites à tenir en urgence, les mesures de protection, les ressources et les soins spécialisés disponibles.
- En mettant en place un dépistage universel et systématique lors des consultations et des actes de prévention de tous leurs patients, et dans le cadre de la médecine scolaire, préventive et du travail, dépistage adapté à tous les enfants et les adultes en prenant en compte leurs handicaps et leurs difficultés de communication ainsi qu’une évaluation systématique du danger et du trauma (échelles) et du besoin de protection et soins des victimes de violences.
- En mettant en place une obligation de signalement des violences faites aux enfants et aux personnes vulnérables pour tous les professionnels sans exception y compris les médecins et en protégeant de façon effective de toute poursuite ordinale tous les professionnels de la santé qui signalent des violences sur mineurs ou sur personnes vulnérables et qui établissent des certificats pour leurs patients victimes de violences dans le cadre de procédures judiciaires pénales ou civiles (seul.e.s les procureur.e.s devraient pouvoir poursuivre les médecins en cas de soupçons de certificats mensongers, il n’est pas admissible que les professionnels soient poursuivis en juridiction ordinale sur des questions de forme du certificat).
- En mettant en place une ligne téléphonique et une plateforme internet d’expertise pour les professionnels de santé pour les aider, les conseiller dans les situations complexes (dans notre enquête plus de 95% des médecins ayant suivi une formation sur les violences sexistes et sexuelles et leurs conséquences psychotraumatiques en 2009 ont plébiscité cette ligne).
- En créant des référents médecins, sage-femmes, infirmiers, psychologues formés spécifiquement dans toutes les structures hospitalières, les centres de santé, les institutions (dont l’institution scolaire) : il est essentiel de former tous les médecins, infirmier.e.s et psychologues scolaires et de s'assurer qu’ils soient en nombre suffisant et qu’ils bénéficient également de moyens suffisants pour faire leur travail de prévention et de dépistage.
- En créant des centres de crises et de prise en charge des violences sexuelles accessibles 24h/24 et 7jours/7 dans les services d’urgence des hôpitaux pour adultes et pour enfants et les Unités Médico-Judiciaires où les victimes pourront bénéficier de soins et d'un recueil de preuves médico-légales, et où elles pourront porter plainte si elles le souhaitent, sur le modèle des 4 centres CPVS (et bientôt 6) existants en Belgique depuis 2017.
- En créant adossés ou en lien avec ces centres de crise, des centres pluridisciplinaires de prise en charge des victimes de violences sexuelles (holistique : avec une prise en charge médicale, psychologique, sociale et juridique) pour toutes les victimes quel que soit leur âge, leur handicap, leur lieu de vie et le type de trauma, des soins spécialisés accessibles dans tout le territoire français et d’outre-mer, dans chaque territoire de santé mentale, sans frais avec des professionnels formés, qui travailleront en réseau et participeront à des actions de recherches (la convention d’Istanbul en exige 1 centre de prise en charge de victimes de violences sexuelles par bassin de 200 000 habitants ce qui, en France et en outremer ferait plus de 330 centres, on en est très loin).
- En remboursant les prises en charge spécialisées par des psychologues cliniciens formés pour les victimes de violences sexuelles (avec des actes correctement rétribués).
- En développant, en améliorant et en sécurisant l’offre de soin : par des médecins (pédo-psychiatres et psychiatres) et des psychologues spécialisés, formés et en nombre suffisants, avec une prise en charge de la Sécurité Sociale à 100% (prévue par le code de sécurité sociale pour les victimes mineures mais dont les victimes bénéficient rarement, qu’il faudrait élargir aux victimes majeures et inscrire le psychotraumatismes dans le cadre des ALD) avec des actes valorisés en fonction de prises en charge complexes et nécessitant un travail en réseau, les médecins conseils de CNAM, de la MDPH et les médecins du travail doivent être formés spécifiquement aux conséquences des violences sexuelles sur la santé et aux psychotraumatismes pour sécuriser les demandes d’arrêt de travail, les congés longue maladie et longue durée, les demandes d’invalidité et d’allocation adulte handicapé ; (ALD, prévue par le code de santé publique pour les victimes mineures mais qu’il faudrait élargie aux victimes majeures), d’allocations adultes handicapés (MDPH), de congés longues maladies et longues durée.
- En faisant parallèlement un plan Marshall pour la pédo-psychiatrie, la psychiatrie et la médecine préventive, particulièrement la médecine scolaire : augmenter le nombre de pédo-psychiatres, de psychiatres, développer le nombre de structures de soins pluridisciplinaires de proximité.
- En s’assurant du respect impératif des droits, de la volonté et du consentement des personnes victimes de violences sexistes et sexuelles tout au long de leurs parcours de soin, les patient.e.s doivent être protégées impérativement de comportements sexistes ou discriminatoires et de violences sexuelles de la part des professionnels du soin, les patient.e.s doivent être informé.e.s de leurs droits et des ressources à leurs disposition pour dénoncer des atteintes à leurs droits et des violences subies dans le cadre du soin, une culture de la bientraitance doit être mise en place et hôpitaux psychiatriques, les institutions et tous les centres de privations de liberté ne doivent plus être des zones de non-droits (arrêt des contention, des mises en chambre d’isolement, protection des patients contre toutes les formes de violences, particulièrement sexuelles).
- En formant spécifiquement et façon obligatoire les médecins experts auprès des tribunaux aux conséquences des violences sexuelles sur la santé et aux psychotraumatismes afin d’améliorer la qualité des expertises lors de procédures judiciaires pénales et civile (CIIVISE) il est scandaleux que les psychotraumatismes et la gravité des conséquences à long terme sur la santé et la vie des victimes soient si peu prises en compte et donnent lieu à des expertises qui ne s'y réfèrent pas et à des réparations qui ne couvrent pas l’ensemble des préjudices.
- En favorisant et en soutenant financièrement la création de lieux auto-gérés de rencontres, d’informations et d’échanges (groupes de paroles), d’activités de loisir et ou professionnelles (libres, sécurisées et à temps partiel) et de repos dédiés aux victimes de violences sexuelles avec l’aide de professionnel.le.s, ces lieux pouvant être adossés aux centres de soins.
- En développant la prise en charge spécialisée des agresseurs le plus tôt possible dès les premières conduites violentes et en traitant leurs traumatismes : de 25 à 30% des violences sexuelles sont commises par des mineurs, la plupart des agresseurs ont déjà subi des violences le plus souvent dans l’enfance : on sait (grande enquête de l’ONU de Fulu, 2017) que pour les hommes avoir subi dans l’enfance des violences physiques et sexuelles multiples par 14 le risque de commettre des violences sexistes et sexuelles à l’âge adulte (les femmes qui ont subi des violences physiques et sexuelles dans l’enfance ont 1 fois plus de risque de subir des violences conjugales et sexuelles à l’âge adulte). En l’absence de protection et de soins, les conduites risque dissociantes dont font partie les violences envers soi ou autrui sont une des stratégies de survie mises en place pour anesthésier sa mémoire traumatique (symptôme psychotraumatique qui fait revivre à l’identique les violences subies dans l’enfance puis celles commises par la suite : exercer des violences entraîne des conséquences psychotraumatiques chez l’agresseur qui vont renforcer les conduites dissociantes et alimenter les passages à l’acte). Si on est jamais responsable des violences que l’on a subi, ni de leurs conséquences psychotraumatiques, on est responsable du choix des stratégies de survie qu’on met en place quand elles portent atteinte à l’intégrité d’autrui. Protéger et soigner les traumas de tous les enfants victimes de violences permet d’enrayer le cycle des violences.
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Dre Muriel SALMONA, psychiatre, présidente de l’Association Mémoire Traumatique et Victimologie, auteure de Le livre noir des violences sexuelles (Dunod 3ème éd. 2022) et de Violences sexuelles. Les 40 questions-réponses incontournables (Dunod, 2ème éd. 2021); membre du comité scientifique de la chaire internationale sur « La violence faite aux femmes et aux filles dans les conflits » dite Chaire Mukwege et de la Commission indépendante inceste et violences sexuelles faites aux enfants, CIIVISE.