Violences éducatives
VIOLENCES ÉDUCATIVES
Page rédigée par Muriel Salmona, 2015. Pour en savoir plus, lire également l’ouvrage de Muriel Salmona Châtiments corporels et violences éducatives, Pourquoi il faut les interdire en 20 questions-réponses édité chez Dunod en 2016.
La présentation détaillée de l’ouvrage a été publiée sur le blog stopauxviolences.blogspot.fr le 29 août 2016.
Désormais les **Châtiments corporels et les violences éducatives sont enfin interdites en France à partir du premier janvier 2017 : http://stopauxviolences.blogspot.fr/2016/12/chatiments-corporels-et-violences.html
À partir du 1er janvier 2017, tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours à la violence corporelle
est interdit aux parents. La France vient enfin de se positionner - comme le réclamaient de nombreuses associations dont la nôtre - contre toutes les formes de violences exercées sur les enfants par les parents ou leurs représentants légaux, avec le vote le 22 décembre 2016 de l’amendement de la loi Egalité et citoyenneté complétant l’article 371.1 du Code civil, excluant dans le cadre de l’autorité parentale « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours à la violence corporelle », cette interdiction prenant effet dès le premier janvier 2017.
Cet article du code civil sera lu lors de la cérémonie de mariage civil et intégré au livret des parents distribué au quatrième mois de la première grossesse. Il figurera dans le livret de famille. Le code pénal n’est pas modifié, aucune sanction pénale n’est prévue, l'objectif de cette loi étant de favoriser une prise de conscience des parents, mais il est à espérer que la jurisprudence, qui reconnaît parfois un « droit de correction », puisse évoluer.
interdire les violences éducatives au sein de la famille, le droit
Comment la France - pays des droits de l’homme - peut-elle encore, en 2014, 25 ans après l’adoption par les Nations Unies de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, transgresser les droits fondamentaux des enfants, en n’interdisant pas explicitement au sein de la famille le recours à des méthodes éducatives violentes physiques et psychologiques basées sur les châtiments corporels, la peur, l’humiliation et la privation?
Pourquoi la France ne tient-elle pas compte des recommandations du rapport 2013 du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, du Comité des droits de l'enfant qui à deux reprises du (2004, 2009) lui a demandé d'interdire expressément les châtiments corporels dans tous les contextes , y compris la maison, ni des conclusions du Comité des droits européens des droits sociaux qui a trois reprises ( 2003, 2005, 2012) a déclaré que sa situation n'est pas conforme à la Charte sociale européenne parce que les châtiments corporels ne sont pas interdits (1)?
Comment tolère-t-on que les enfants, qui sont des personnes vulnérables, fragiles et dépendantes, soient les seuls en France dont on n’ait pas à respecter totalement l’intégrité physique et psychique, et qu’on puisse taper, gifler, pincer, fesser, humilier sous couvert d’éducation et de droit de correction ?
Comment ce droit coutumier de correction toujours en usage, reconnu par la Cour suprême en 1819 (2) et s’exerçant dans le cadre de l’autorité parentale, peut-il être conciliable avec le devoir de « protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect de sa personne » (article 271-1 du code civil) ? Pourquoi n’est-il pas reconnu par le code pénal comme pour toutes les autres violences, et donc comme une violence aggravée puisqu’exercée par des ascendants et des personnes ayant autorité sur des enfants ? Pourquoi n’est-il pas abrogé ? Et pourquoi les violences éducatives ne sont-elles pas explicitement interdites dans la famille et dans tout lieu accueillant les enfants ?
En toute incohérence frapper un adulte - même beaucoup plus fort que soi -, l’humilier verbalement est considéré comme une atteinte à ses droits et à sa dignité, alors que frapper un enfant - même tout petit - et l’humilier, peut être considéré pour un parent comme normal, si c’est pour le corriger et l’éduquer. Aimer et élever son enfant serait donc conciliable avec le fait de lui faire mal physiquement et psychologiquement : «Qui aime bien, châtie bien !».
Alors que toutes les violences qui s’exerçaient au sein du couple sous couvert d’amour et d’un «droit patriarcal» de domination et de possession : « c’est MA femme, j’en fais ce que je veux ! », ne sont plus acceptables et sont considérées comme des délits ou des crimes avec circonstances aggravantes, certaines de ces violences restent étrangement valables dans la famille quand elles s’exercent sur les enfants. La famille est une véritable zone de non-droit où il est toujours possible d’exercer des violences physiques et psychologiques : « c’est MON enfant, je l’élève comme je veux ! » (3).
La méconnaissance des conséquences traumatiques des violences éducatives sur le développement, l’estime de soi et la santé des enfants favorise la tolérance, la banalisation, voire même la valorisation des violences éducatives en France (3). Cela donne aux parents un permis en toute «innocence» de taper, menacer et humilier leurs enfants, aussi petits soient-ils puisqu’un pourcentage important des violences éducatives commencent avant 2 ans, et plus de la majorité avant 7 ans.
Elles sont considérées comme une norme sociale qu’il ne faut pas remettre en question puisqu’elles seraient indispensables pour assurer une discipline efficace et une éducation digne de ce nom. Et c’est une très grande majorité des parents en France (de 60 à plus de 80%) qui reconnait avoir recours aux punitions corporelles quels que soient leur niveau socio-culturel et leurs origines. Les facteurs les plus prédictifs pour les parents de recourir à ces violences étant le fait d’en avoir eux-mêmes subi dans leur enfance, leurs niveaux de stress, et leurs croyances dans les effets bénéfiques des punitions corporelles et la mauvaise nature des enfants (4).
Et comment définir ce qui relève du droit de correction quand la limite entre des punitions corporelles plus ou moins sévères, qui seraient des violences «mineures» mais tolérées, et des maltraitances punies par la loi, est mouvante et forcément très subjective ? Comment les distinguer (5) ? Faut-il seulement que les parents n’exagèrent pas, que les punitions soient «raisonnables» et qu’elles ne laissent pas de traces trop voyantes… ? C’est oublier que la grande majorité des maltraitances (75%) sont commises dans un contexte de punitions (6).
Pourtant, si en France, en 2014, on ne renonce pas au « droit de correction » parental sur les enfants contrairement à 42 pays qui l’ont déjà fait dans le monde dont 23 en Europe, ce n’est pas faute d’avoir à notre disposition, depuis plus de 20 ans, tous les outils juridiques internationaux et européens, et toutes les connaissances scientifiques incontestées pour le faire (7).
Interdire les violences éducatives, une affaire de santé publique.
Droits et recherches universitaires en psychologie, en médecine et en sciences de l’éducation sont sans appel : rien ne peut justifier ces pratiques qui portent atteinte aux droits, à la dignité, à l’intégrité physique et psychologique des enfants, à leur santé, leur bien-être, leur développement et leurs apprentissages. Et aucune étude scientifique n’a pu démontrer un effet positif des punitions corporelles sur le comportement et le développement de l’enfant, bien au contraire elles sont corrélées fortement à une augmentation de l’agressivité et des comportements anti-sociaux (8) et il a été prouvé par de nombreuses recherches internationales qu’elles ont des conséquences traumatiques à long terme sur la santé mentale et physique des enfants (7). Elles sont également à l’origine d’atteintes neuro-biologiques et corticales du cerveau, et de modifications épigénétiques, ces atteintes étant liées au stress, au dysfonctionnement des systèmes de régulation de la réponse émotionnelle et à l’excès de production de cortisol qui est neurotoxique, comme nous le verrons plus en détail (9). Le cerveau des enfants est particulièrement vulnérable à la violence. En revanche des méthodes éducatives dites positives ont fait leurs preuves pour bien éduquer un enfant sans violence (10). Et il a été démontré que la réduction des punitions corporelles par les parents est suivi rapidement d’une diminution de l’agressivité, de l’anxiété et des comportements anti-sociaux chez leurs enfants (11), et qu’une interdiction par la loi des violences éducatives ainsi que des campagnes d’information et de soutien à la parentalité, permettent de diminuer leur nombre de façon très significative comme nous le verrons (12).
Les punitions corporelles et les autres violences éducatives portent non seulement atteinte aux droits des enfants, à leur développement mais elles portent également atteinte à leur santé mentale et physique à court, moyen et long terme. Et elles sont un facteur d’inégalité et de discrimination à l’encontre des enfants, et de reproduction des violences de proche en proche et de génération en génération.
Nous avons donc à notre disposition tous les arguments pour interdire explicitement les punitions corporelles en tous lieux y compris la famille, et considérer que le droit de correction ne peut jamais s’appliquer puisque la santé, le bien-être et le développement de l’enfant sont mis en danger (13).
…lire la suite avec les références bibliographiques des notes
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