Violences psychologiques
Les violences psychologiques sont toujours présentes
et imprègnent toutes les autres violences.
Evolution des lois
Jusque récemment, outre les appels téléphoniques malveillants et les menaces, seul le harcèlement moral au travail était réprimé par la loi : "le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende". Désormais, depuis le 24 juin 2010, les violences psychologiques au sein du couple sont un délit punissable d'une peine maximale de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, elles sont définies comme "des actes qui peuvent être constitués de paroles et/ou d'agissements, d'une dégradation des conditions de vie de la victime, entraînant une altération de sa santé physique ou mentale".
Les violences psychologiques, une arme de domination
Les violences psychologiques sont une arme très efficace pour soumettre, dominer, asservir et elles ont pour but d'imposer une domination pour avoir l'autre à disposition et pour l'instrumentaliser à loisir, lui faire jouer tous les rôles. La domination passe par le rapport de force, par la manipulation, par l'intimidation, par la menace, par la terreur qui peut être obtenue par un simple regard de « tueur » ou de « fou », mais aussi par la sidération obtenue par des comportements hors normes, incompréhensibles, incohérents. Elles sont une véritable entreprise de démolition identitaire utilisée pour conditionner les victimes de façon qu’elles se ressentent comme inférieures, incapables, incompétentes, inintelligentes, coupables, n’ayant aucune valeur, réduites à une chose, pensant n'avoir aucun droit.
Elles ont pour but de créer chez la victime :
- un climat d'insécurité physique et émotionnelle, voire de terreur, par des conflits à tout propos, des intimidations, des menaces, des chantages affectifs, des sous-entendus perpétuels, une agressivité et une hostilité permanente, des colères soudaines, une intolérance à la moindre contrariété ou opposition, des attitudes dures, cruelles, une indifférence affichée, un non-respect de la vie familiale, de ses règles, des horaires, du partage des tâches et des charges financières.
- un climat de contrainte, de contrôle et d'isolement, par une surveillance continuelle (des sorties, des dépenses, des fréquentations, de l'habillement, etc.), par l'imposition de règles de vie contraignantes, avec harcèlement, non-respect de l'intimité et séquestrations.
- un sentiment d'infériorité, de dévalorisation et d'humiliation par des disqualifications et des dénigrements répétés, des critiques incessantes et des paroles blessantes sur le physique, l'expression verbale, les capacités intellectuelles, le travail, les tâches domestiques, l'éducation des enfants, le comportement amoureux et sexuel.
- un climat de culpabilisation et un sentiment d'incompétence, par des plaintes et des critiques, des exigences irréalistes, des attitudes de rejet et de frustration, de jalousie, organisant la sensation d'être continuellement en faute.
- un sentiment de confusion et de doute, par des attitudes et des messages incohérents, des mensonges, des manipulations, des interprétations concernant tous les faits et gestes, des procès d'intention, des mises en scène, et par une non-reconnaissance, une négation et un mépris des besoins fondamentaux, des émotions, des sentiments et de la souffrance, entraînant chez la victime une incapacité à avoir confiance en ses jugements, ses réactions et ses désirs.
Ces violences psychologiques reposent sur une imposture totale. Tous les propos, tous les comportements sont des mensonges et des abus de pouvoir et n'ont d'autres buts que de manipuler la victime. Elles sont intentionnelles et mises en scène sous couvert d'amour (jalousie, contrôle, chantages, violences sexuelles), d'éducation, de nécessité, de responsabilité, d'impératifs professionnels, économiques ou de sécurité. Elles sont toujours présentées par l'auteur comme étant uniquement dues à l'attitude de la victime, survenant par sa faute : « tu m'as énervé, tu es insupportable, dangereuse, tu fais tout pour me mettre hors de moi, pour me contrarier, me frustrer, etc. », alors qu'elles sont "fabriquées" de toute pièce pour les besoins de l'auteur. Ce dernier peut en toute indécence s'autoriser ces mensonges, il est aidé par les stéréotypes et les fausses représentations que la société véhicule sur la famille, l'amour, la sexualité, l'éducation, le travail, l'obéissance, la hiérarchie, la sécurité, et par les inégalités encore profondément ancrées au sein de cette même société, et bien trop tolérées par elle. L'auteur sait que ces violences sont illégitimes et injustifiables, qu'elles portent atteintes aux droits et à la dignité de la victime, mais il peut se permettre de les commettre, particulièrement dans le huis-clos d'une famille, d'un couple, d'un lieu de travail, d'une institution, et se comporter comme un tyran en toute impunité.
Ces violences psychologiques sont souvent présentes dès le début de la relation entre l'auteur et sa victime (que se soit dans le couple, au travail…) mais elles sont noyées dans un climat de séduction, de protection, ou de nécessité pour le bien de la victime. Elles sont très souvent repérées par la victime comme anormales, injustes ou incohérentes, mais celle-ci ne s'autorise pas à en tenir compte ni à faire confiance à son jugement et à ses émotions, du fait de la rationalisation de l'auteur qui arrive à tout brouiller en mettant en scène sa conviction inébranlable dans le fait qu'il a raison et qu'il croit vraiment à ce qu'il dit, du fait également des stéréotypes véhiculés par la société qui empêchent aussi la victime de se défendre et de se donner raison (les parents aiment toujours leurs enfants, les hommes c'est comme cela : ils sont maladroits, exigeants, pas psychologues, ils ont des besoins sexuels impérieux, les femmes sont plus intuitives, plus sensibles et romantiques, en amour c'est normal de de faire des concessions, c'est normal d'être au service de l'homme que l'on aime, au travail il faut obéir aux ordres, etc.), et aussi du fait que la victime pense que le comportement de l'auteur n'est pas intentionnel (il ne se rend pas compte, il est comme ça, ce n'est pas de sa faute, il faut lui expliquer, il a souffert, je vais le changer grâce à mon amour…).
Les violences vont s'intensifier ensuite, progressivement et inexorablement, elles vont tisser une toile d'araignée autour de la victime au fur et à mesure de son engagement dans la relation, dans son travail, et au fur et à mesure des efforts qu'elle va déployer pour s'adapter aux situations de violences, les anticiper, les éviter, y survivre en développant des capacités hors normes pour comprendre l'auteur.
Un piège pour la victime
La victime de ces violences sera consciente des violences et de l'enfer qu'elle vit mais elle sera très efficacement prise au piège car :
- ses analyses et ses émotions seront continuellement disqualifiées et niées par l'auteur (c'est pas si grave, tu exagères, c'est de la comédie, etc.).
- l'auteur entretient un sentiment de culpabilité, d'incompétence et de dette chez elle de façon totalement construite (tu n’es bonne à rien, tu me rends malheureux, tu es folle, tu ne vaux rien, personne ne voudra de toi, avec tout ce que j'ai fait pour toi, sans moi tu n'es rien, tu as vu comme tu es moche…), ce sentiment l'empêche de penser que l'auteur n'a pas le droit de se conduire ainsi et qu'il le fait intentionnellement.
- les violences répétées sont à l'origine de troubles psychotraumatiques qui entraînent un état de dissociation et d'anesthésie émotionnelle qui vont empêcher la victime de comprendre ses réactions et ses émotions. D'un côté, elle sait qu'il s'agit de violences graves, injustifiables mais, comme elle est coupée de ses émotions, elle doute. De l'autre, elle est submergée par des émotions incohérentes qui explosent pour un oui ou pour un non, qu'elle ne sait relier aux situations de violences et qui lui font craindre d'être folle. Cet état de doute, d'incertitude, de confusion permet à l'auteur de mettre en place une emprise, de la manipuler et de lui dicter ses émotions, de lui imposer ses pensées et de lui imposer un rôle dans sa mise en scène.
Ces violences s'accompagnent de la mise en place d'un contrôle et d'une emprise permanente pour détruire la confiance en soi et l'estime de soi de sa victime. Cela passe par la critique systématique, par l'humeur, la colère, la menace, par la négation des perceptions, par le non-respect des besoins et des opinions, par la prise de décision unilatérale, par la manipulation affective, par l'argent, par le rejet de ses responsabilités sur l'autre, par la restriction des contacts avec les autres, par l'intimidation physique, par des humiliations à connotations sexuelles.
Les violences psychologiques sont très destructrices, entraînant de très graves atteintes à l'intégrité psychique avec de véritables déstructurations assimilables à des morts psychiques ou pouvant pousser ses victimes au suicide, mais elles sont difficiles à prouver. Il est pour cela nécessaire de collecter des témoignages et de garder des preuves (lettres, messages téléphoniques, SMS ou mails).
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